Le ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle et de la Formation civique vient de frapper une nouvelle fois dans le cadre de ses efforts pour "assainir" le secteur éducatif. Par décision n°0135/MENFPFC, Rufin Didzambou, Directeur Général de l’École normale supérieure (ENS), a été suspendu à titre conservatoire pour cause de "nombreuses dérives". Si cette mesure pourrait sembler salutaire, elle soulève néanmoins des interrogations sur les véritables enjeux de cette action.
Une décision symptomatique
Selon les termes du ministère, les manquements de M. Didzambou incluent insubordination et non-respect des cadres légaux. Mais au-delà de ces accusations, cette suspension met en lumière des problématiques plus vastes, à commencer par l’état préoccupant de la gouvernance dans les institutions académiques gabonaises.
Depuis des années, l’ENS oscille entre stagnation et crise. Cette école, censée être le pilier de la formation des enseignants, est souvent citée comme exemple des défaillances structurelles qui gangrènent l’éducation au Gabon. La suspension d’un directeur peut-elle réellement suffire à corriger ces dysfonctionnements ?
Un intérim dans l’urgence
En attendant une éventuelle nomination définitive, le Pr Roger Ondo Ndong, Directeur des Études, a été désigné pour occuper la fonction de Directeur Général par intérim. Bien que cette décision puisse garantir une certaine continuité, elle laisse entrevoir une gestion dans l’urgence, sans planification solide. Le cumul des fonctions confiées à M. Ondo Ndong n’est pas sans risque. Cette charge supplémentaire pourrait affaiblir sa capacité à répondre aux attentes des deux postes, au détriment d’une réforme efficace.
L’ère de la Transition s’accompagne d’un discours réformiste omniprésent, mais dans les faits, ces décisions spectaculaires semblent parfois servir davantage la communication politique que la résolution des problèmes. Suspendre un Directeur Général, c’est bien. Proposer une réforme structurelle pour prévenir ces dérives à l’avenir, c’est mieux.
Cette mesure, qualifiée de "signal fort", s’inscrit dans une logique de réaction immédiate, mais le manque de clarté sur les mécanismes prévus pour stabiliser et moderniser l’ENS laisse sceptique.
Le poids des symboles
L’intervention du ministère est peut-être une tentative d’imposer une gouvernance plus rigoureuse dans le secteur éducatif. Mais sans actions profondes et structurées, ces décisions risquent de rester des symboles sans lendemain. La gestion des institutions éducatives ne nécessitent davantage qu’un jeu de chaises musicales au sommet : il faut des politiques claires, des ressources adaptées et une vision à long terme.
L’éducation, un enjeu national
L’ENS, au-delà de ses querelles internes, représente un enjeu stratégique pour le développement du Gabon. Si le ministère veut réellement redresser cette institution, il doit aller au-delà des suspensions individuelles et s’attaquer aux racines du problème : un financement souvent insuffisant, une gestion opaque et un cadre légal qui peine à s’adapter aux défis actuels.
L’avenir de l’ENS ne se jouera pas dans les bureaux ministériels, mais sur le terrain, avec des enseignants, des administrateurs et des étudiants qui attendent des réformes tangibles. En l’état, cette suspension semble davantage être un symbole politique qu’une solution durable à la crise que traverse l’établissement
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