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Société

Libreville : Jude Ibrahim Rapontchombo ou l'illusion de la "Restauration de l'Ordre Urbain"

IMG Le Général Rapontchombo dépassé par la situation.

Lancée tambour battant en janvier dernier par le général Jude Ibrahim Rapontchombo, l'opération "Restauration de l'ordre urbain" (ROU) devait être la solution miracle pour nettoyer Libreville et redonner à la capitale son éclat d’antan. Six mois de lutte acharnée contre l'anarchie urbaine, voilà l'ambition affichée par les autorités municipales. Mais, cinq mois après la fin de cette grande opération, l'effet recherché semble aussi fugace qu'une brise légère au bord de l’océan.

 

Les objectifs étaient clairs : débarrasser les trottoirs de leurs envahissants marchands ambulants, démanteler kiosques et épaves de voiture, et éradiquer les constructions illégales. Rien que cela. Dans les six arrondissements, les agents municipaux avaient pour mission de redonner à la ville un visage plus "avenant", voire plus digne des grandes capitales modernes. Mais après plusieurs mois de campagne médiatique et d’action concrète, on peut légitimement se demander si la ROU n’a été qu’un grand tour de passe-passe, une vaste illusion qui n’a fait que disperser les problèmes comme un vent fort balayant les feuilles mortes.

 

Prenons, par exemple, le rond-point de Nzeng-Ayong. Ce carrefour très fréquenté, autrefois envahi par des vendeurs ambulants, semblait être la cible prioritaire de l’opération. Mais à peine les agents de la municipalité avaient-ils déguerpi les commerçants, qu’ils revenaient en force, comme des invités indésirables mais obstinés. La scène ne s’est pas limitée à ce seul rond-point. De Rio à Awendjé, l’histoire se répète : les trottoirs se transforment à nouveau en marchés à ciel ouvert, et les commerçants, comme les mauvaises herbes, refleurissent sans crier gare.

 

Et que dire des épaves de voitures et des garages illégaux derrière des lieux comme le Topaze ? L’opération, qui avait fait grand bruit en mai dernier, n’a visiblement pas eu l'impact escompté. Les mécaniques de fortune continuent de défigurer les rues de Libreville, les moteurs hurlant sous les coups de clef, l'huile se répandant joyeusement sur le bitume comme une petite touche artistique anarchique. Rien n’a changé, ou si peu. Une fois de plus, la déléguée spéciale semble avoir été dépassée par l'ampleur du phénomène.

 

On pourrait s'attendre à ce qu'une telle opération fasse preuve de persévérance et d'une certaine stratégie à long terme. Mais à Libreville, la réalité semble plus proche de celle d’un enfant qui, une fois ses jouets rangés, revient en cachette pour les ressortir. Et là réside le véritable problème : le manque de transformation durable. L’opération a échoué à changer les mentalités. Pourtant, comme le soulignait le général Rapontchombo, "libérer l’espace communal, c’est aussi restaurer l'ordre urbain", et "c’est l'objectif général à atteindre". Mais est-ce que l’ordre urbain se construit uniquement en déplaçant les objets, ou en rééduquant les comportements des citoyens ?

 

Un autre angle d’analyse est celui des déchets. Alors que l’opération de la ROU était censée inclure une composante salubrité, Libreville reste, hélas, aussi sale qu’avant. Les déchets jonchent encore les rues, les coins de rues et les carrefours. En octobre, la municipalité, en partenariat avec Clean Africa, a tenté une nouvelle approche avec des campagnes de sensibilisation au tri des ordures et au nouveau schéma de collecte. Mais là encore, ces efforts se sont heurtés à la dure réalité : une population désabusée et des comportements bien ancrés. De toute évidence, la sensibilisation n'a pas atteint l'efficacité escomptée, et l’impact de cette nouvelle démarche se fait encore attendre.

 

Ce fiasco apparent soulève une question cruciale : à qui incombe réellement la responsabilité de cette situation ? La municipalité semble avoir pris des mesures ambitieuses, mais la déléguée spéciale semble avoir sous-estimé la résistance des habitudes profondément ancrées des Librevillois. En même temps, la population n’a pas toujours eu le sentiment d’être véritablement impliquée ou responsabilisée dans cette opération. Comme souvent, les actions entreprises par les autorités sont perçues comme imposées de l'extérieur, sans véritable adhésion des citoyens. Peut-être est-ce là l’une des clés de l’échec : le changement d’état d’esprit ne peut pas se décréter, il doit se cultiver.

 

En fin de compte, l'opération ROU aura été une grande parade médiatique, un coup d'éclat qui, malheureusement, n’aura pas eu les effets escomptés. Peut-être que l’ordre urbain à Libreville ne pourra être restauré que lorsque la ville sera réellement prête à changer, pas seulement ses façades. En attendant, les marchands de Nzeng-Ayong, les garages de Topaze et les immondices dans les rues continueront d’incarner, avec une ironie évidente, l’échec de l'utopie de l’"ordre" tant recherché.

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7 Commentaires

Panga - Dec 13, 23:44

Magnifique contenu, c’est exactement ça

Panga - Dec 13, 23:44

Magnifique contenu, c’est exactement ça

Panga - Dec 13, 23:44

Magnifique contenu, c’est exactement ça

Essono Ella Rostand - Dec 14, 12:02

Le vrai problème, ce sont les comportements des citoyens qui sont rétrogrades. On confond la ville avec le village. Traverser la voie express au risque de se faire écraser alors qu’il y a une passerelle. Jeter les ordures hors des bacs et installations, envahir les trottoirs en exposant sa marchandise, laisser les déchets et immondices pendant qu’il y a les bacs à ordures. Traverser le carrefour en plein milieu alors qu’il faut prendre par les côtés et suivre les signalements des feux..... Nous avons un retard de 120 ans à rattraper pour formater notre imaginaire en vue du changement de comportement. Il faut de ce fait une bonne éducation au préalable, avant de juger le Général et son travail. Le changement ne se fait pas d’un coup de baguette magique, il faut du temps, il faut une réflexion approfondie pour trouver des solutions à ces commerçants qui participent aussi à notre économie. Ne juger pas trop vite le Maire Délégué Spécial de Libreville !

Essono Ella Rostand - Dec 14, 12:04

Le vrai problème, ce sont les comportements des citoyens qui sont rétrogrades. On confond la ville avec le village. Traverser la voie express au risque de se faire écraser alors qu’il y a une passerelle. Jeter les ordures hors des bacs et installations, envahir les trottoirs en exposant sa marchandise, laisser les déchets et immondices pendant qu’il y a les bacs à ordures. Traverser le carrefour en plein milieu alors qu’il faut prendre par les côtés et suivre les signalements des feux..... Nous avons un retard de 120 ans à rattraper pour formater notre imaginaire en vue du changement de comportement. Il faut de ce fait une bonne éducation au préalable, avant de juger le Général et son travail. Le changement ne se fait pas d’un coup de baguette magique, il faut du temps, il faut une réflexion approfondie pour trouver des solutions à ces commerçants qui participent aussi à notre économie. Ne juger pas trop vite le Maire Délégué Spécial de Libreville !

Fine Bouche - Dec 15, 20:25

Il y a une frange de la population qui ne peut pas se promener avec les ordures domestiques jusqu'aux 4 bacs rassemblés au bord de la voie principale qui débordent déjà de leurs immondices. Alors tant que les responsables politiques ne seront pas capables d amener les structures adéquates à une population qui vit avec un strict minimum. A croire que l insalubrité n est que la cause de comportements inadéquates. Moi je ne me vois aucunement me balader des kilomètres avec mes ordures sous le bras avant de partir au travail à 5 h 30 du matin

Ngoua Ngou Samuel - Dec 16, 03:55

La seule solution, c'est la force. L'ordre et l'hygiène ne se négocient pas, on les impose. Il n’est pas normal que Libreville soit parmi les capitales les plus sales d’Afrique. Je ne connais pas une seule ville parmi les plus propres d’Afrique où des mesures drastiques permanentes en termes de salubrité et de discipline publiques n’existent pas. La Mairie a une obligation de résultat.


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