Au Gabon, même les morts ne trouvent pas la paix. La morgue du Centre Hospitalier Universitaire de Libreville (CHUL), construite sur fonds publics, aurait dû être une solution digne pour les familles endeuillées. Mais au lieu de cela, elle s’est transformée en un monument national de la gestion calamiteuse, où l’opacité rivalise avec l’inefficacité.
Serge Ndomba, secrétaire général de l’Union des Professionnels de la Santé au Gabon (UPSA), ne décolère pas : « Ici, pas de fosse septique, pas de traitement des eaux usées, tout est rejeté dans les canalisations et finit à la mer. À ce rythme, même les poissons risquent de demander l’asile écologique. »
Au-delà des simples négligences, c’est une véritable catastrophe environnementale qui se joue en coulisses. La morgue opère sans infrastructures adaptées, transformant les déchets issus du traitement des corps en une arme de destruction massive pour les nappes phréatiques et l’écosystème marin.
Un environnementaliste, visiblement excédé, lâche : « Si cette morgue continue comme ça, il faudra inclure des sachets de détergent dans le coût des funérailles pour que chaque famille fasse sa part dans le nettoyage de l’océan. »
Des tarifs qui donnent des sueurs froides… aux morts
La morgue du CHUL ne s’arrête pas là. Elle combine pollution et pillage en imposant des tarifs exorbitants. À 12 000 FCFA par nuitée, les familles doivent payer un prix indécent pour conserver leurs défunts. À titre de comparaison, au Cameroun, ce service coûte à peine 3 000 FCFA.
Pour ne rien arranger, la morgue impose un minimum de trois nuits de conservation, une obligation qui ruine les familles déjà fragilisées par des soins hospitaliers souvent inefficaces. Une veuve, contrainte de vendre les quelques biens de son mari, confie : « À ce prix, il aurait peut-être fallu l’incinérer directement… mais même là, je crains qu’on me facture la fumée. »
Un entrepreneur sans titre ni loi
Si l’on pensait avoir touché le fond, il faut encore creuser. La gestion de cette morgue a été confiée à un entrepreneur étranger, dont les qualifications sont aussi floues que les eaux usées qu’il rejette. « Aucun agrément officiel, aucun diplôme reconnu, mais il gère une morgue publique. À ce rythme, bientôt, on confiera les hôpitaux à des bouchers », dénonce Serge Ndomba.
Les conditions du contrat qui lient cet opérateur à l’État sont si opaques qu’elles donneraient des complexes aux scandales financiers les plus retentissants. Pour Ndomba, cette situation est une insulte à la compétence des Gabonais : « On laisse un non-national s’enrichir sur le dos des familles gabonaises, pendant que nos compatriotes qualifiés restent sur la touche. C’est une honte. »
L’appel des morts aux autorités vivantes
Devant cette situation ubuesque, l’UPSA en appelle aux autorités de la transition pour mettre un terme à ce cirque macabre. « Il faut une action immédiate du président de la République. Ce n’est pas seulement une question de dignité des morts, mais de respect des vivants », insiste Ndomba.
La santé publique, l’environnement, et la dignité des familles sont ici sacrifiés sur l’autel de l’opacité et de la cupidité. Si les autorités ne réagissent pas, il se pourrait bien que même les morts descendent dans la rue ou plutôt, remontent des nappes phréatiques pour demander des comptes.
La morgue du CHUL demeure un symbole accablant d’un système où la gestion publique n’a ni foi ni loi. Et si rien n’est fait, le Gabon pourrait bientôt être connu comme le pays où les morts polluent plus que les vivants, et où la dignité coûte plus cher qu’un billet d’avion.
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