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Grogne des chômeurs : « la patience a des limites, et ces limites ont été atteintes… »

IMG Les chômeurs devant l'Assemblée nationale. Crédit photo Gabonreview.

Ce lundi 23 décembre 2024, l’Assemblée nationale, censée incarner les aspirations du peuple, a été prise d’assaut par une réalité qu’elle préfère souvent ignorer : celle des centaines de chômeurs gabonais, laissés-pour-compte d’un système où les promesses politiques ne servent qu’à meubler les discours.

 

Sous l’impulsion de la coalition des mouvements de lutte contre le chômage, ces citoyens invisibles ont décidé de se rendre visibles. Plus question d’attendre que des emplois tombent du ciel ou que des élus daignent les regarder. Face au portail hermétique de l’institution, leurs slogans et revendications ont résonné comme un rappel brutal : la patience a des limites, et ces limites ont été atteintes.

 

Rappelons-le, en août dernier, le président de la transition annonçait en grande pompe la création de 1 500 postes budgétaires et 2 000 emplois dans les stations-service, accompagnée de mesures pour encourager l’entrepreneuriat. Une annonce saluée à l’époque comme une bouffée d’air frais dans un climat social asphyxiant. Quatre mois plus tard, le décor est bien différent. Pas un seul des manifestants n’a vu la couleur de ces emplois. Axel Junior, porte-parole du mouvement, ne mâche pas ses mots :« Ces postes budgétaires ? Une illusion. Ces emplois dans les stations-service ? Un mirage. Pendant que nous souffrons, leurs enfants, eux, trouvent des postes sans délai. Nous en avons assez. Assez des discours, assez de l’hypocrisie. »

Les députés : spectateurs ou complices ?

 

Et que dire des élus de la nation, théoriquement garants de la mise en œuvre des engagements gouvernementaux ? À en juger par leur silence assourdissant, on pourrait croire qu’ils considèrent la colère populaire comme un bruit de fond gênant, à éteindre plutôt qu’à écouter. Seul Lionel Engonga, député un peu plus audacieux ou simplement plus habile, s’est aventuré à rencontrer les manifestants. Mais son intervention n’a fait qu’ajouter au sentiment de mépris général : « Le travail est un droit, mais je n’ai pas le pouvoir de décider. Je peux poser la question à ceux qui en ont la charge. » En clair : l’Assemblée nationale, censée être le contre-pouvoir du gouvernement, se contente d’être une chambre d’enregistrement et un refuge pour les promesses sans lendemain.

 

La jeunesse : otage d’un système verrouillé

Laurent Javic, l’un des manifestants, a décrit avec amertume l’impact du chômage sur sa vie : « Nous sommes des pères, des mères, des citoyens. Nous avons des responsabilités. Et pourtant, nous sommes traités comme des statistiques. Le chômage, ce n’est pas qu’un problème de jeunes de 18 à 24 ans. C’est un drame pour ceux de 26 à 40 ans, ceux qui veulent bâtir un avenir mais trouvent des portes fermées partout. » Cet homme, comme tant d’autres, incarne une jeunesse sacrifiée sur l’autel de l’inaction et de la mauvaise gouvernance. Pendant que certains accumulent les privilèges, la majorité peine à joindre les deux bouts.

 

Un avertissement clair

 

La mobilisation de ce jour ne se limite pas à un cri de désespoir. C’est aussi un avertissement. Axel Junior l’a exprimé sans détour : « Si personne ne nous écoute, nous prendrons nos responsabilités. Ce pays appartient à tous, pas à une poignée de privilégiés. » Ces mots résonnent comme une menace, et à juste titre. Les frustrations sociales, longtemps ignorées, risquent de se transformer en colère incontrôlable. Les fêtes de fin d’année, souvent synonymes de répit, pourraient bien être marquées par un réveil populaire.

 

Une fracture qui s’aggrave

Ce qui s’est joué ce lundi n’est pas un simple conflit entre manifestants et autorités. C’est le symptôme d’un mal bien plus profond : un fossé croissant entre les élites et le peuple. Les premiers, retranchés dans leurs privilèges, promettent monts et merveilles tout en consolidant leur monopole. Les seconds, fatigués de mendier des miettes, réclament leur droit légitime à une vie décente.

 

Si les autorités persistent dans leur surdité, elles ne feront qu’attiser une révolte qui gronde déjà. Ce qui s’est joué devant l’Assemblée nationale n’est pas un incident isolé, mais le prologue d’un mouvement qui pourrait redéfinir les rapports de force au Gabon. Aux dirigeants de choisir : écouter, agir, ou subir.

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