Le Gabon est un pays d’opportunités. Pas pour les jeunes bacheliers qui rêvent d’universités étrangères, non. Pour les détourneurs, les faussaires, les spécialistes du “copier-coller de relevé fictif” et les rois du formulaire falsifié. Ces derniers jours, l’Agence Nationale des Bourses du Gabon (ANBG) nous a offert une leçon grandeur nature : au pays du "bon réseau", le crime paie. Et il paie même avec rappel de salaire.
Un retour en grâce orchestré… dans le silence
On croyait l’affaire classée. Huit cadres de l’ANBG suspendus, un réseau de fraude mis à nu, des cartes bancaires créées au nom d’étudiants fictifs, des bourses encaissées comme des dividendes… Tout était là pour un procès historique. Mais dans ce pays, quand la vérité dérange, on la classe dans une armoire sans serrure. Résultat : les principaux accusés seraient non seulement libres, mais certains auraient déjà repris du service. On les retrouve dans les couloirs, badge au cou, comme s’ils revenaient de vacances prolongées. À ce rythme, il ne reste plus qu’à leur décerner une médaille de la fraude exemplaire, avec félicitations du ministère.
La "Young Team" ou comment faire carrière dans l’arnaque étatique
Le sommet du ridicule a été atteint quand a éclaté le scandale de la “Young Team”. Non, ce n’est pas un collectif de rappeurs ni un programme jeunesse. C’est une mafia administrative qui monnayait l’accès aux bourses d’études : 5 millions FCFA pour aller aux États-Unis, 3 pour l’Europe, 2 pour l’Afrique. Le Gabon ? Prix d’ami : 1 million. La jeunesse gabonaise réduite à un menu de restaurant, au gré des tirelires parentales.
Et qui protégeait ce réseau ? Qui le couvrait ? Qui en profitait ? Aucun nom, aucune sanction publique, aucun coup de semonce judiciaire. Le procureur ? Absent. Comme souvent quand il s’agit de gros poissons.
Un directeur qui dérange : trop compétent pour ce pays ?
Au milieu de ce cirque, un homme essaie de faire le ménage : le Pr Ruphin Ndjambou. Rigueur, intégrité, réforme. Trois mots qui, dans notre République, équivalent à un arrêt de mort bureaucratique. Il veut décentraliser, rationaliser, moraliser. Résultat ? Les anciens profiteurs se sentent menacés. Ils bloquent les arrêtés d’application. Ils sabotent en interne. Ils lancent une cabale contre lui. L’ironie ? Ce sont les voleurs d’hier qui crient aujourd’hui à la dictature de la transparence. Le monde à l’envers. Le Gabon à l’endroit, comme toujours.
Une administration sans mémoire, une justice sans parole
Pendant ce temps, les boursiers lésés n’ont ni reçu leurs fonds ni entendu leur nom cité quelque part. Pas de liste. Pas de reconnaissance. Pas d’excuses. C’est comme si leur avenir avait été effacé avec du correcteur blanc. On réintègre les coupables, on oublie les victimes. Ce n’est pas une faute de gestion, c’est un choix politique.
Voler n’est plus un délit, c’est un parcours professionnel
Dans un État qui se respecte, on licencie les tricheurs, on indemnise les victimes et on réforme l’institution. Au Gabon, on fait l’inverse. Les détourneurs réapparaissent comme des fantômes familiers, les bourses continuent de se volatiliser, et le système se perpétue.
Jusqu’à quand va-t-on tolérer qu’un agent public qui a volé l’avenir de centaines d’étudiants puisse revenir comme si de rien n’était ? Jusqu’à quand allons-nous confondre la réinsertion et la récidive ?
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