Au Gabon, il existe un endroit où le Code du travail sert d’éventail à une élite cynique, où la justice marche à cloche-pied, et où la misère ouvrière sert de marchepied à des ambitions politiques maladives. Cet endroit porte un nom : SATRAM EGCA.
L’entreprise, jadis fleuron de la logistique portuaire gabonaise, est aujourd’hui le théâtre d’une tragicomédie dont le protagoniste principal, Olivier Constant Nzué, enfile tour à tour les costumes de bourreau, d’apprenti sorcier, et de futur retraité pressé de se recycler en « faiseur de roi ».
Après une grève que le tribunal de Port-Gentil a refusé de qualifier d’« illicite » au grand dam du DG voilà que la direction sort l’artillerie lourde : neuf délégués du personnel, jugés trop insoumis, reçoivent des convocations pour entretien préalable. La manœuvre est claire : châtier les voix discordantes, écraser les récalcitrants, et envoyer un message glaçant à ceux qui auraient encore le courage d’oser lever la tête. Le problème ? Olivier Nzué semble oublier que la grève est un droit constitutionnel, et que sa mission première devrait être de sauver l’entreprise, pas de la transformer en champ de bataille politique.
Car à bien y regarder, ce conflit dépasse le cadre du social. Il y a dans cette hargne quelque chose de pathologique, une obsession à liquider des travailleurs devenus témoins gênants d’une gestion calamiteuse. Pendant que les salariés cumulent les loyers impayés et que leurs familles plongent dans la précarité, M. Nzué, lui, s’active à préparer son après-SATRAM. Il investit dans la carrière politique de son neveu Willy Biteghe, fraîchement diplômé d’une université ghanéenne, déjà parachuté chef de service et candidat aux élections locales dans le 2ᵉ arrondissement. En somme : on réduit les ouvriers à la mendicité pour mieux financer une campagne électorale familiale. Si ce n’est pas de la malveillance, c’est au mieux de l’indécence.
Dans ce naufrage organisé, la complicité de certains est manifeste. DRH zélé, magistrats complaisants, inspecteurs aux abonnés absents, chacun y trouve son intérêt. Et toujours cette vieille garde les Bardai, Edzang Onyane et autres figures de l’ère Jakhoukh en arrière-plan, conseillant en coulisse, comme pour s’assurer que SATRAM ne devienne jamais autre chose qu’un réservoir d’abus et de règlements de comptes.
Le silence assourdissant des autorités de tutelle et des syndicats nationaux est tout aussi inquiétant. À croire que, dans ce pays, les crises sociales ne deviennent visibles qu’une fois qu’il y a des barricades et des pneus en feu. Pourtant, tout est là : violation des droits, destruction d’emplois, liquidation programmée, harcèlement des représentants syndicaux. À quand un audit sérieux ? À quand la nomination d’un syndic judiciaire pour assainir cette maison devenue un repaire de dirigeants véreux ? À quand la fin de cette mascarade ?
En attendant, la « révolte des sans-grade » continue de gronder, et les ouvriers refusent toujours de reprendre le travail malgré les pressions et les intimidations. Le message est clair : « nous avons donné, vous nous avez trahis, désormais nous reprenons ce qui nous reste de dignité ».
Reste à espérer que la justice gabonaise finira par se réveiller et trancher dans cette affaire qui dépasse largement le simple cadre d’une grève. Car SATRAM, aujourd’hui, n’est plus seulement une entreprise en crise. C’est le miroir d’un pays où l’impunité prospère et où certains croient encore que diriger, c’est asservir.
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