Ah, le Gabon, ce théâtre permanent où les anciens pompiers se déguisent en pompiers volontaires après avoir incendié le village ! Dans sa dernière vidéo, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ex-Premier ministre du très regretté régime d’Ali Bongo Ondimba, s’est improvisé économiste de la repentance et lanceur d’alerte en chef. Le voilà qui dénonce, l’air grave et le verbe haut, la décision du gouvernement de transition d’interdire les exonérations fiscales dès 2026. Une décision qu’il juge « simpliste », « sans sens » et « périlleuse ». Rien que ça.
Mais, cher Alain-Claude, qui a distribué les exonérations à la pelle pendant dix ans, sinon ton gouvernement ? Qui a transformé les finances publiques en tirelire d’amis, de cousins et d’investisseurs en chemises blanches ? Qui a créé ce monstre de dette publique qui avale aujourd’hui les entreprises comme le boa avale une chèvre ? Ce n’est pas le gouvernement de la Transition, c’est bien celui d’Ali et de ses apôtres économiques, dont toi, cher prophète de la dette, tu étais le grand prêtre. Comme on dit au village : « Quand on a semé le piment, il ne faut pas pleurer quand la soupe brûle la bouche. »
Le docteur Bilie et son malade imaginaire
Avec des trémolos dans la voix, l’ancien Premier ministre nous explique que l’État « se mord la queue ». Allons donc ! Le même État que lui-même a mis sur orbite sans carburant, sans frein à main et avec le compteur bloqué à « endettement maximum ». L’homme découvre soudain les vertus du réalisme budgétaire, comme un ancien buveur prêchant la tempérance au comptoir.
Et quand il évoque, le regard inspiré, la SEEG qui doit à Perenco, qui doit à l’État, qui doit à tout le monde, on dirait un poète maudit récitant un poème de dettes en trois vers : L’État ne paie pas, les entreprises suffoquent, les Gabonais trinquent. Mais de qui se moque-t-on ? Sous Bilie-By-Nze, la SEEG, la CNSS et la CNAMGS étaient déjà en soins intensifs, perfusées aux promesses creuses et aux décrets de complaisance. « Quand le tambour est fendu, ce n’est pas le bâton qu’il faut accuser », dit un adage fang.
Ali Bongo & Cie : architectes du désastre économique
Il faut rendre à César ce qui appartient à Bongoville : les exonérations fiscales à répétition ont été l’arme de séduction massive du régime Bongo. On exonérait à tour de bras pour attirer les « investisseurs amis », pendant que les PME locales, elles, suffoquaient sous les impôts et les contrôles fiscaux arbitraires.
Résultat : un pays transformé en salle d’attente pour factures impayées. Et voilà qu’aujourd’hui, l’ancien Premier ministre crie au scandale parce que le gouvernement veut couper le robinet qu’il a lui-même laissé ouvert à fond. C’est l’hôpital qui se moque de la pharmacie. « Le crocodile ne se plaint pas du marigot qu’il a creusé lui-même », dit la sagesse bantoue.
Le cercle vicieux ? Non, la boucle de l’hypocrisie
Bilie-By-Nze parle de « cercle vicieux ». Il a raison, mais il en oublie l’essentiel : il en fut l’architecte et le chef de chantier. Sous Ali Bongo, le cercle vicieux avait même un nom : la dette invisible. Ces milliards « compensés » sur le papier, mais jamais versés aux entreprises. C’est simple : les comptes étaient maquillés comme une star de télé-réalité avant un gala. Aujourd’hui, l’ancien chef du gouvernement s’indigne que « la réforme n’apporte pas de trésorerie ». Mais enfin, cher Alain-Claude, fallait-il attendre la Transition pour découvrir que l’argent ne pousse pas dans les communiqués du Conseil des ministres ?
Depuis qu’il a quitté le palais du bord de mer, Bilie-By-Nze est devenu soudain plus lucide qu’un rapport du FMI. Il parle de rigueur, d’équité, de « cercle vertueux ». Dommage qu’il n’ait pas eu cette révélation divine quand il signait, chaque semaine, des décrets d’exonération à faire pâlir d’envie un paradis fiscal. « Le lézard ne doit pas rire du crocodile parce qu’ils partagent la même peau », dit un vieux proverbe d’Oyem. Alors oui, l’homme a raison sur un point : interdire les exonérations sans stratégie de relance, c’est dangereux. Mais venant de lui, c’est comme si un ancien pyromane demandait qu’on installe des détecteurs de fumée.
Les anciens démons ricanent encore
Le régime Bongo, avec Bilie en chef de chorale, a laissé un champ de ruines économiques. La Transition, elle, veut jouer les ingénieurs du miracle sans budget et sans plan. Pendant ce temps, les entreprises gabonaises continuent de danser au bord du gouffre, au rythme d’une dette qui ne cesse de grandir. « Quand le tambour du village est troué, même le meilleur danseur perd le pas. » Et dans cette cacophonie économique, Bilie-By-Nze rejoue la partition du repenti politique : celui qui pleure aujourd’hui les larmes qu’il a lui-même versées hier sur la tête des Gabonais. Mais ne nous y trompons pas : au Gabon, les pyromanes d’hier se déguisent toujours en pompiers de demain. Et à ce rythme, bientôt, c’est le feu lui-même qui demandera une exonération fiscale.
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