Oligui Nguema lors de la tournée dans la province du Woleu-Ntem.
Ah, le Gabon ! Ce pays béni où l’argent public voyage plus vite que la lumière, où les milliards ont des ailes plus puissantes que celles des aigles du Komo ! À peine déposés sur la table du développement, les 63 milliards de FCFA du CTRI ont pris la poudre d’escampette, laissant derrière eux des routes trouées, des promesses éventrées et des villages toujours plongés dans la poussière et la pénombre.
En 2024, lors de ses tournées républicaines, le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, avait promis de redonner le sourire aux provinces. Chaque région devait recevoir 7 milliards de FCFA, histoire de rafraîchir un peu la misère, goudronner quelques routes et soutenir les initiatives locales. Mais comme le dit un adage africain : « Quand le baobab tombe, ce ne sont pas les singes affamés qui manquent ».
Et voilà que les milliards, confiés sans véritable garde-fou, ont été gérés par des délégués spéciaux, chefs de clan et notables improvisés comptables. Le résultat ? Des projets fantômes, des factures imaginaires, et des “entreprises locales” créées en une nuit pour disparaître au lever du jour avec les fonds publics.
Pendant ce temps, l’État regardait ailleurs, comme un père naïf qui confie sa chèvre aux dents du lion. Pas d’audit sérieux, pas de commission indépendante, pas de suivi financier : juste de la foi et des vœux pieux. Et dans ce pays, on le sait, « Quand l’État ferme les yeux, c’est souvent pour ne pas voir ce qu’il a lui-même laissé faire. »
Et voilà qu’aujourd’hui, le procureur Bruno Obiang Mve débarque avec sa trompette judiciaire, jurant de « faire la lumière » sur la disparition des fonds. Louable, certes. Mais à quoi bon vouloir éteindre l’incendie quand les cendres sont déjà froides ? À ce stade, l’argent a déjà changé de mains, traversé quelques frontières, ou pire encore, s’est transformé en villas, véhicules et voyages discrets.
Le procureur arrive comme un médecin au chevet d’un malade décédé depuis longtemps. On l’applaudit, mais le cœur du dossier ne bat plus. Il veut ressusciter la vérité, dit-il ? Très bien. Mais qu’il commence par réveiller la conscience nationale endormie depuis des décennies.
Car le phénomène n’est pas nouveau. Depuis la nuit des temps républicains, les intouchables de la “cour du roi” se repaissent des deniers publics en toute impunité. Ces gens-là ne volent pas, non : ils “redéploient stratégiquement les ressources”, “réaffectent les fonds”, “investissent pour l’avenir”. De la poésie budgétaire, en somme !
Et le plus beau dans tout ça ? Certains de ces bienfaiteurs autoproclamés ont trouvé refuge au Parlement, là où l’immunité sert de bouclier contre la honte. Le peuple, lui, n’a que ses yeux pour pleurer et ses pieds pour marcher sur des routes promises mais jamais goudronnées.
Le plus triste, c’est que le CTRI voulait moraliser la vie publique. Mais comme on dit dans nos villages, « Quand tu veux laver le crocodile, assure-toi qu’il soit vraiment mort. » Or ici, la corruption nage toujours, plus vivace que jamais, pendant que la justice patauge dans le marigot des promesses tardives. Et pendant que les autorités annoncent les enquêtes à grand renfort de communiqués, le peuple, lui, n’y croit plus. Il sait que dans ce pays, les enquêtes ont souvent la durée de vie d’un moustique : bruyantes la nuit, mortes au petit matin.
En fin de compte, le scandale des 63 milliards n’est pas seulement un détournement de fonds. C’est un détournement d’espoir, un hold-up sur la crédibilité même de la transition. Parce qu’à force de crier “libération”, sans libérer le peuple de la prédation, la transition risque de devenir une simple rotation : les mêmes acteurs, les mêmes méthodes, juste un nouveau décor. Et comme on dit sous nos latitudes : « Quand le tam-tam de la justice sonne trop tard, les danseurs corrompus ont déjà quitté la piste. »
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