Les maisons détruites par l'Etat.
Bienvenue au gymnase municipal d’Owendo, nouvel EHPAD tropical improvisé par la puissance publique, où l’on soigne les citoyens à base d’humidité, de moisissures et d’indifférence institutionnelle.
Sur les gradins ruisselants, une trentaine de Gabonais ferment chaque soir les yeux en espérant que la République se souvienne d’eux avant que les champignons ne s’en chargent. À les voir ainsi, on pourrait croire qu’ils participent à un stage de survie organisé par l’État. Spoiler : non. Ils survivent malgré l’État.
L’administration avait promis monts, merveilles… et a livré vents, pluies et moisissures
Tout commence avec les autorités municipales d’Owendo, toujours promptes à dégainer la promesse sociale comme un prestidigitateur fatigué. « Venez ici, on s’occupe de tout », ont-elles déclaré, la bouche en avant, la mémoire en arrière. Résultat ? Cinq mois plus tard, les services sociaux brillent par une absence si totale que même les fantômes hésitent à rivaliser. Un silence administratif tellement massif qu’on pourrait l’utiliser comme matériau de construction.
Les déguerpis du SNI : jetés dehors, puis jetés dedans, puis jetés aux oubliettes. Car pour comprendre la logique étatique, il faut accepter l’évidence : ce que l’État déguerpit, il ne reloge pas. Il déplace, puis déclare le problème “traité” et se félicite de son efficacité en interne. Elvin Ndong Artur, porte-parole malheureux de ces oubliés, résume d’une phrase la politique nationale du relogement : « Nous avons tout fait. Eux n’ont rien fait. » Merci Elvin, au moins quelqu’un travaille dans ce dossier.
Gradins humides, mycoses en série, enfants déscolarisés du confort : le nouveau modèle social made in Owendo
Une mère de famille, visiblement plus courageuse que dix administrations réunies, confie qu’elle développe des mycoses à force de dormir là. Heureusement qu’un pharmacien compatissant a offert des pommades. Les autorités, elles, ont offert… du vent. Et encore, pas toujours frais. Les enfants, eux, vont à l’école depuis ce gymnase. Ils ont appris très tôt la très belle leçon civique gabonaise : Dans ce pays, l’État est un parent… absent.
C’est l’État qui les a envoyés là. Mais l’État a disparu. Houdini ferait pâle figure. Il faut tout de même rappeler la cerise sur ce gâteau moisi : Ces familles n’ont pas envahi le gymnase, elles y ont été envoyées par l’État lui-même. On les a déplacées, voire délogées avec zèle, puis abandonnées comme des colis Amazon jamais réclamés. Aujourd’hui, elles demandent gentiment trop gentiment un relogement. Pas un palais, pas un duplex, pas une villa en bord de mer : un toit. Un truc simple, basique, ce que l’État est censé offrir sans qu’on ait à en faire la une des journaux.
Mais la mairie d’Owendo, elle, reste fidèle à sa spécialité, l’immobilisme artistique. À force de les attendre, les familles ont eu le temps d’observer un phénomène rare : Dans cette affaire, les services sociaux se déplacent moins vite qu’un escargot enrhumé. Cinq mois de “procédure en cours”. Cinq mois de “revenez demain”. Cinq mois à prouver que l’administration gabonaise est championne toutes catégories du 100 mètres… sur place. Un scandale humanitaire géré avec la délicatesse d’un lance-flammes dans une bibliothèque
La situation relève désormais de l’urgence humanitaire la plus basique
Mais certains responsables semblent avoir développé une allergie sévère au mot “urgence”. Probablement parce qu’il implique d’agir. Le gymnase d’Owendo est devenu un musée à ciel ouvert de l’incompétence publique. Une œuvre moderne : “Population abandonnée dans son jus”. Les autorités pourraient même en faire un site touristique : “Venez voir comment on traite les citoyens quand les caméras ne sont pas là”.
La question qui tue. La seule. La vraie : Combien de temps encore faudra-t-il attendre pour que les autorités d’Owendo se souviennent qu’elles ont des citoyens à reloger ? Un mois ? Un an ? Le prochain siècle ? Ou attend-on simplement que les occupants se transforment en statues de sel, pour pouvoir déclarer le gymnase comme “site historique” et classer définitivement le dossier ?
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