Emmanuel Macron et Brice Clotaire Oligui Nguema, lors du 19e Sommet de la Francophonie, à Villers-Cotterêts, le 4 octobre 2024. © Ludovic Marin/AFP
À force de perdre des pays africains comme on perd des stylos à l’Élysée, Emmanuel Macron semble avoir trouvé une idée lumineuse : réinventer l’Afrique… en commençant par un retour express au Gabon. Une escale symbolique dans sa tournée continentale, prévue ce dimanche, pour prouver que la France n’a pas encore déserté toute la table, même si plusieurs convives ont déjà claqué la porte.
L’Élysée explique, avec son traditionnel lyrisme diplomatique, que « l’objectif est d’impulser des dynamiques et de valoriser le renouvellement de notre relation avec l’Afrique ». Traduction en langage non-palatin : « on a perdu le Sahel, attention à ne pas perdre le reste ».
Macron, VRP de la relation franco-africaine relookée
Depuis que le Mali, le Burkina et le Niger ont raccroché à Paris avant même de laisser sonner trois fois, le président français tente une nouvelle stratégie : sourire, serrer des mains, promettre des partenariats « modernes », surtout ne plus prononcer le mot “Françafrique” devenu à Paris aussi tabou que le mot “défaite”.
Le Gabon, lui, se retrouve malgré lui sur la liste des ultimes investisseurs potentiels de la relation franco-africaine nouvelle version. Une sorte de Françafrique 2.0, repeinte aux couleurs de la jeunesse, de la mémoire, de l’économie et du « partenariat d’égal à égal » expression magique qui, depuis dix ans, n’a encore réussi à égaliser que la quantité de sourires officiels.
Libreville, thérapie diplomatique ou séance de rattrapage ? Pour Emmanuel Macron, passer par Libreville, c’est un peu comme voir son dernier dentiste encore prêt à recevoir un patient. Les anciennes bases militaires ferment ailleurs ? Ici, au moins, on écoute encore. Les accords tombent en désuétude ? Pas grave, on en signera d’autres.
Les opinions publiques africaines sont chauffées à blanc contre Paris ? Une bonne poignée de main et quelques phrases sur la jeunesse devraient faire oublier les décennies de face-à-face crispé. Le président français veut « impulser des dynamiques ». C’est à croire que, vu de l’Élysée, l’Afrique manque d’énergie alors que c’est surtout la diplomatie française qui souffre d’essoufflement.
Macron, le grand réparateur après le naufrage
Soyons honnêtes : si le Gabon figure au programme, ce n’est pas seulement par amour du nkoumou ou nostalgie du boulevard Triomphal. C’est parce que la France a besoin d’un symbole, d’un terrain où elle n’est pas encore persona non grata, et où elle peut encore prononcer “coopération” sans déclencher une émeute diplomatique.
Macron vient redorer une image internationale devenue terne, entre accords militaires enterrés, partenaires fâchés et influence fondue comme beurre au soleil équatorial. Il lui fallait un pays : pas en colère, pas en rupture, pas en train de brûler son drapeau, pas en train de dénoncer tous les accords depuis 1960. Bref : il lui fallait le Gabon.
Le Canard vous le dit : un tournant, ou un tour de piste ? L’Élysée veut montrer que la France repart à neuf. Le Gabon veut prouver qu’il avance seul. Et les observateurs veulent savoir si cette visite sera un tournant… ou simplement un dernier tour de piste avant que la Françafrique ne ferme définitivement boutique. Une chose est sûre : dimanche, à Libreville, beaucoup parleront d’avenir… mais chacun pensera à son passé.
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