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Société

Trois mois de salaires impayés : les postiers crèvent la dalle et dénoncent le silence de leur direction générale

IMG Les postiers mobilisés pour revendiquer le paiement de leurs salaires.

À Libreville, il y a désormais deux types de citoyens : ceux dont les comptes bancaires explosent dans les prétoires, et ceux dont les comptes bancaires explosent… de vide. Le vendredi 14 novembre dernier, le Syndicat national de la Poste (Synaposte) a sonné l’alarme à la Poste centrale. Trois mois de salaires impayés. Quatrième mois en route. À ce rythme, même les guichets automatiques les fuient par solidarité.

 

Pendant que les postiers cherchent un billet de 1 000 francs comme on cherche un trésor englouti, le procès spécial Bongo-Valentin déroule un inventaire criminel digne d’un manuel de magie noire : détournements de fonds, faux en écriture publique, usurpations d’identité, recel, instigation à l’usurpation de fonction publique…

 

Bref, tout ce qu’il faut pour faire disparaître l’argent, les responsabilités et même la logique. À la Poste, on bosse gratuitement. Ailleurs, on détournait professionnellement. « Trop c’est trop ! » grogne Davy Mamboundou, le secrétaire général du Synaposte, dont le ton a la même fatigue que ses poches vides. Imaginez : cinq mois de travail, deux mois payés… avec un retard plus long que les files d’attente du 31 décembre.

 

Le salaire, désormais, c’est comme une lettre égarée : il existe quelque part, mais personne ne sait quand il arrivera. À croire qu’il a été confié… à ceux dont le procès se tient juste à côté. Les postiers expliquent qu’ils n’arrivent plus à se loger, se nourrir, soigner leurs enfants. Pendant ce temps, dans l’autre tribunal, on raconte comment certains achetaient des maisons, des voitures, des identités et même paraît-il des fonctions publiques. Deux Gabon, un seul destin : ceux qui comptent les milliards disparus et ceux qui comptent les grains de riz restants.

 

Le service public : héroïsme mal payé, mais toujours exigé

Malgré tout, les postiers continuent d’assurer le service public « avec dévouement ». Traduction : ils travaillent gratis, avec un sourire de façade, pendant que d’autres jadis occupés à « usurper des identités » se faisaient rémunérer à prix d’or. C’est beau, l’abnégation. C’est encore plus beau quand elle ne nourrit pas ses enfants. Un gouvernement muet : peut-être qu’il attend que les postiers fassent… un virement ?

 

Le syndicat ne comprend pas le mutisme de la direction générale. On les comprend : quand on a trois mois impayés, qu’on respire financièrement par intermittence, attendre une réponse du ministère de tutelle, c’est comme espérer un éclairage LED dans un village oublié. « Les paroles sont bien, mais les actes concrets valent mieux », soupire le syndicat. Ah, les actes concrets. Cette vieille légende urbaine des administrations publiques. “Nous ne sommes pas des sous-Gabonais” : les postiers rappellent qu’ils existent.

 

Le Synaposte en appelle au président de Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema : « Nous ne sommes pas des sous-Gabonais ! » Une phrase digne d’être inscrite sur un timbre-poste à condition que la Poste ait encore les moyens d’en imprimer un. Quand on voit que certains anciens dignitaires détournaient des milliards comme on fait son marché, difficile de croire que payer les salaires relève d’une mission impossible.

 

Une Poste agonisante mais une direction en pleine forme

Le syndicat réclame la fin du « climat imposé par la direction générale actuelle ». Climat ? Non, disons plutôt microclimat toxique, où les salaires se volatilisent mais les ordres tombent toujours à l’heure exacte. La trésorière générale, Madeleine Nzengue, prévient : « S’il n’y a rien de fait, service minimum à la Poste centrale. »

 

En somme : les postiers ne seront plus payés, mais au moins, ils ne travailleront plus pour rien. Une sorte de progrès social par accident. Pendant que certains pillaient l’État, les postiers deviennent les champions du jeûne involontaire. Ce pays est un chef-d’œuvre paradoxal : On y juge les milliardaires du détournement ; On y affame les travailleurs du service public.

 

C’est l’équilibre parfait : les uns ont trop pris, les autres n’ont plus rien. Le Synaposte dit rester ouvert au dialogue. Un dialogue « franc et loyal ». Deux qualités qui, pour certains anciens dirigeants, sonnent comme des infractions pénales. En attendant, les postiers comptent leurs dettes pendant que la justice compte les zéros. L’économie nationale, elle, attend son facteur : il semble être parti livrer les salaires… dans une autre dimension.

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