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Politique

Gabon : Noureddin, le condamné fantôme qui veut « laver son nom » depuis le 13ᵉ étage londonien

IMG Noureddin Valentin Bongo.

Il y a des procès au Gabon, et puis il y a le procès spécial Bongo, cette grande pièce de théâtre judiciaire où les acteurs principaux brillent surtout… par leur absence. Le 12 novembre dernier, la Cour criminelle spéciale a distribué 20 ans fermes à Sylvia et Noureddin Bongo, le tout soigneusement emballé dans un ruban « détournements de fonds », « blanchiment », « association de malfaiteurs », et même un généreux 3,35 milliards d’euros de préjudice pour l’État une addition si salée qu’on se demande si la cour n’a pas compté les dettes publiques avec.

 

Problème : Noureddin, héros involontaire de la pièce, n’était pas là. Pas une silhouette, pas une moustache, pas un jet privé posé sur le tarmac de Libreville. Rien. Un condamné par contumace, un contumax, un fugitif chic coincé à Londres.

 

Le grand absent qui parle beaucoup

Et depuis son 13ᵉ étage londonien, Noureddin Bongo bombe le torse médiatique. Dans sa dernière apparition dans Le Monde, le trentenaire en chemise blanche jure qu’il veut « laver son nom » et dénonce une « mascarade judiciaire ». Un mot doux, presque affectueux, pour qualifier un procès qu’il a suivi depuis les fauteuils moelleux d’une agence de communication londonienne.

Il assure n’avoir touché aucun « bonus pétrolier » (c’est pourtant connu : au Gabon, le pétrole coule tout seul vers les comptes bancaires, comme par magie), dénonce la torture (« lorsqu’on vous torture, vous donnez tout ») et promet d’aller déposer plainte devant Dieu, la CIA ou n’importe qui voudra bien l’écouter.

 

Un procès sans l’accusé, normal ou simplement pratique ? Soyons sérieux deux minutes. D’un point de vue politico-judiciaire, le spectacle gabonais n’est pas inédit, mais souvent… créatif. Car enfin, quel procès spécial digne de ce nom laisse filer son principal accusé ? On a donc jugé l’ancien prince héritier sans le prince. On a condamné un duo mère-fils sans le duo. Même les juges semblaient parfois chercher désespérément une chaise vide à qui poser la question fatale : « Reconnaissez-vous les faits ? » Mais les chaises vides ne parlent pas, et Noureddin, lui, parlait ailleurs beaucoup plus loin, au-dessus de la Tamise.

 

Le face-à-face manqué

L’ironie mordante de ce procès, c’est qu’il aurait pu être le moment de vérité. Le choc des versions. La confrontation directe entre les accusations d’un État qui veut solder « cinquante ans de dynastie » et les contre-attaques d’un héritier qui nie tout en bloc.

Un vrai procès, un procès utile, un procès pour l’histoire, aurait exigé la présence de l’intéressé. Ne serait-ce que pour entendre ce fameux Noureddin dire, yeux dans les yeux : « Ce n’est pas moi, on m’a tout pris, même mes bonus inexistants. » Là, au moins, on aurait vu la tête des magistrats. Au lieu de ça, on a eu : Une salle comble. Des avocats essoufflés. Des accusations lourdes comme des sacs de ciment. Et un accusé… en visioconférence mentale.

Un procès expéditif ? Un exilé prolixe ? Un pays suspendu ? Aujourd’hui, le nouveau pouvoir d’Oligui Nguema peut dire fièrement : « On a jugé les Bongo ». Mais sans les Bongo. Ou en tout cas sans celui qui parle le plus. Et qui parle depuis Londres. Pendant ce temps, Noureddin se construit une image de dissident chic : apparitions dans la presse internationale, chemises bien repassées, indignation calibrée, pathos contrôlé, et promesses d’aller « jusqu’au bout pour laver son nom ». On attend presque le documentaire Netflix : « Noureddin : condamné mais disponible ».

 

En attendant le retour du fantôme

La justice gabonaise avait une occasion en or : mettre enfin face à face l’ancien régime et ses casseroles. Mais un procès sans son accusé principal, c’est comme un ndolé sans arachides : ça tient dans l’assiette, mais ça manque cruellement de substance. Il aurait été mieux politiquement, judiciairement, historiquement que Noureddin soit là, qu’il réponde, qu’il s’explique, qu’il s’étrangle, qu’il se défende, qu’il accuse, qu’il gesticule. Bref : qu’il soit un justiciable, pas un fantôme médiatique perché au 13ᵉ étage. Pour l’instant, le seul procès vraiment public, c’est celui que Noureddin mène depuis Londres… Et c’est peut-être bien le plus efficace de tous.

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