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Hôpital de Ntoum : la déontologie prend congé, la misère est priée de patienter dehors

IMG Les victimes d'un accident n'ont pas été pris en charge par l'établissement hospitalier.

Ntoum, juin 2025. On connaissait les centres de santé surchargés, sous-équipés, mal financés. Mais le Centre hospitalier départemental de Ntoum vient de franchir une étape supérieure : celle où l’indifférence devient procédure, et la souffrance... une formalité administrative non prise en charge.

 

La vidéo virale de Mme Aminata Ondo, présidente de l’ASCORIM (Association contre le risque médical au Gabon), n’a laissé personne indifférent sauf, apparemment, ceux que cela concerne. Dans cette séquence aussi accablante qu’authentique, on découvre une réalité glaçante : des patients traités comme des intrus, des personnes âgées ignorées comme des vieilles lois, et une déontologie médicale enterrée sans ordonnance.

 

Ici, à Ntoum, l’urgence n’est pas une priorité. D’ailleurs, il n’existe tout simplement pas de salle d’accueil d’urgence. Vous saignez ? Patientez. Vous êtes en crise ? Revenez demain avec votre CNAMGS, votre groupe sanguin et, surtout, vos 3 000 francs CFA. Car oui, l’accès aux soins dépend ici de l’épaisseur du porte-monnaie, pas de la gravité du diagnostic.

 

Et si vous n’avez pas la somme ? Pas de problème. Le personnel se chargera de vous escorter poliment… vers la sortie. L’un des cas dénoncés par Mme Ondo évoque un malade expulsé faute d’avoir présenté sa carte CNAMGS oubliée chez lui alors que son état nécessitait une intervention immédiate. À Ntoum, on soigne les papiers avant les personnes.

 

La directrice de l’établissement ? Présente depuis des années, elle aurait, selon les propos de l’ASCORIM, transformé ce temple de soins en boutique paramédicale : paiement mobile obligatoire, consultations tarifées en catimini, et guichet prioritaire pour les billets de banque. Mieux encore : il se murmure qu’un titre foncier aurait été discrètement établi pour formaliser cette nouvelle "clinique privée" dans l’hôpital public. On n'arrête pas le progrès. Sauf à Ntoum.

 

Le personnel médical ? Des professionnels du vide. Pas de matériel, pas de compassion, pas d’écoute. Et surtout, aucune équipe technique digne de ce nom. Les familles sont invitées à improviser infirmiers du dimanche : perfusions accrochées à des clous rouillés, draps rapportés de la maison, pansements achetés au marché. Et si besoin d’une ambulance ? Priez pour un miracle ou alimentez le réservoir.

 

En tant que journaliste spécialisé en déontologie médicale, je me permets de rappeler que l'article premier du Code international de déontologie stipule que "le médecin doit, en toute circonstance, agir dans l’intérêt de son patient et avec respect de la vie humaine". À Ntoum, on préfère : "le malade doit, en toute circonstance, payer d’abord et souffrir ensuite, dans le respect du système parallèle établi."

 

Mais à qui la faute ? À l’État, bien sûr, qui ferme les yeux pour ne pas voir, bouche ses oreilles pour ne pas entendre, et reste coi pour ne pas répondre. À la tutelle, qui contrôle les hôpitaux par communiqué mais jamais sur le terrain. Aux ordres professionnels, qui brillent par leur silence.

 

La présidente d’ASCORIM a lancé l’alerte. Le peuple a relayé. Les images ont circulé. Reste à savoir si, cette fois, la honte aura enfin un effet thérapeutique. En attendant, à Ntoum, la maladie reste une affaire privée. Et la santé publique… un rêve hors de portée.

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