Déguerpissements à Plaine Orety : quand le PDG pleure sur les ruines qu’il a lui-même bâties

Le directoire du PDG affirme soutenir les déguerpissements.

Les bulldozers ont parlé. À Plaine Orety, ils ont laissé derrière eux un champ de ruines, des larmes de familles délogées et des silences lourds d’incompréhension. Pendant que les gravats fument encore, le Parti démocratique gabonais (PDG), dans une manœuvre de haute voltige politique, tente de jongler entre compassion feutrée et soutien résolu à l’opération de déguerpissement. Une pirouette rhétorique qui en dit long sur l’embarras d’un parti pris dans sa propre contradiction.

Le 10 juin 2025, la voix douce mais ferme de la porte-parole du PDG, Darlène Boukandou Nzamba, a tenté de recoller les morceaux d’une communication délicate : compatir avec les sinistrés tout en applaudissant l’action d’un gouvernement qu’il soutient. Un exercice d’équilibriste auquel le PDG nous a habitués, sauf qu’ici, la corde semble s'effilocher.

Car soyons clairs : si l’opération vise à assainir les zones d’utilité publique, comme le rappelle avec aplomb le communiqué, il n’en reste pas moins que l’occupation anarchique de ces terrains ne s’est pas faite en catimini. Elle a prospéré, années durant, sous le regard bienveillant ou indifférent d’élus locaux, d’autorités administratives, parfois même de membres du PDG. Ce que le parti tente aujourd’hui de dénoncer avec indignation feinte, ce sont souvent les fruits d’un laxisme dont il fut, au minimum, le jardinier.

L’hypocrisie politique atteint ici son point d’orgue. Comment expliquer que des quartiers entiers aient fleuri dans des zones dites "inhabitables", sans qu’aucune alerte sérieuse ne soit déclenchée ? Où étaient les autorités locales, souvent membres du même PDG, quand les premiers parpaings étaient posés ? Où étaient les régies municipales quand les branchements sauvages se multipliaient ?

Aujourd’hui, le PDG appelle solennellement à "écouter les cris de détresse" des victimes. Noble sentiment. Mais fallait-il attendre que ces familles soient broyées par des engins de chantier pour redécouvrir les vertus de l’humanisme ? Le parti s’indigne désormais des pertes humaines et matérielles, mais semble oublier qu’il a longtemps tenu les manettes d’une machine administrative sourde, aveugle et souvent complice.

La tentative d’auto-amnistie politique est grossière. En demandant au président de la République d’user de "magnanimité", le PDG espère sans doute détourner l’attention des véritables responsables : ceux qui, au fil des ans, ont laissé le désordre s’installer, parfois en échange d’un soutien électoral bien utile. Ce sont aussi ceux-là que le parti dit vouloir voir sanctionnés. Fort bien. Mais encore faudrait-il que l’enquête promise par le PDG commence par examiner ses propres placards.

La modernisation de Libreville est nécessaire, certes. Mais elle ne saurait se faire sur les ruines d’une mémoire politique sélective. Car si les déguerpis ont perdu leurs maisons, le PDG, lui, semble avoir perdu toute capacité à assumer ses responsabilités passées. Et cela, c’est peut-être plus grave encore.