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Culture

Makongonio : terre de mémoire des victimes du crash du 28 juin 1985

IMG L" inauguration du mémorial par la Première Dame.

Par Marthe Prisca

Ce 1er septembre restera gravé dans la mémoire collective gabonaise. À Makongonio, village natal de la Première Dame Zita Oligui Nguema, a été inauguré le Mémorial de Makongonio, un lieu de recueillement dédié aux victimes du crash d’hélicoptère survenu le 28 juin 1985. La cérémonie a été présidée par la Première Dame, en présence de plusieurs membres du gouvernement, dont le ministre de la Santé, Adrien Mougoungou, et une délégation du ministère du Tourisme.

 

Sous un ciel doux et paisible, le cortège officiel a pénétré dans le village, accueilli par une foule mêlant autorités, populations locales, parents de victimes et délégations venues des trois Louetsi ainsi que d’autres régions du pays. La cérémonie s’est ouverte par l’exécution de l’hymne national, aussitôt suivie de la prière de Monseigneur Mathieu Madegha Lebouakegna.

 

Le Mémorial inauguré prend la forme d’une salle de mémoire. Les murs y sont ornés de photographies des journalistes disparus et de plaques rappelant leurs noms, offrant un hommage permanent à leur engagement et à leur sacrifice. La Première Dame, accompagnée des parents et enfants des victimes, a franchi le seuil de ce lieu symbolique pour assister à la projection d’un documentaire retraçant l’histoire du crash. Les images, rappelant les instants tragiques du vol et de l’accident, ont suscité de vives émotions et des échanges entre les familles et la délégation.

 

Les noms des disparus, affichés sur les murs, surgissaient comme un rappel intemporel de leur courage. Parmi eux, celui de Mohamed Moungalat, figure emblématique de la presse gabonaise.

 

En marge de cette cérémonie, j’ai pris le temps de consulter un témoignage diffusé sur YouTube, celui du survivant M. Valentin Safou. Son récit glaçant, livré avec une émotion intacte malgré le passage du temps, m’a bouleversé :  « J’ai été projeté de l’appareil, c’est ce qui m’a sauvé. Avec les quatre autres survivants, nous sommes restés en forêt pendant cinq jours sans secours. Puis l’un de nous, qui connaissait bien la forêt, nous a conduits à la recherche d’une route ou d’un village proche. C’est ainsi que nous avons rencontré des chasseurs, à qui nous avons annoncé le crash. Avec eux, nous sommes retournés sur les lieux pour récupérer les deux autres survivants qui ne pouvaient pas se déplacer. Ensuite, nous avons regagné Makongonio. »

 

Ce témoignage soulève une interrogation profonde. Le survivant explique que « les corps des victimes étaient déjà en putréfaction » lorsqu’ils sont revenus sur le site. Alors une question me hante : comment, à cette époque, avait-on pu extraire de l’appareil des corps déjà en état de décomposition avancée ? Cette zone d’ombre me conduit à envisager une hypothèse troublante : et si ce site demeurait, en réalité, le véritable lieu d’ensevelissement des victimes de la catastrophe ?

 

Pour les proches de Mohamed Moungalat, la cérémonie fut à la fois une blessure ravivée et une source de réconfort. Quarante ans après le drame, ses sœurs jumelles, Marie-Claire et Marie-Clémentine, sont revenues à Makongonio, le sol où leur frère a rendu son dernier souffle.

Marie-Clémentine confie :
— « Revenir ici, là où il a disparu, c’est raviver la blessure, mais aussi sentir qu’une part de justice symbolique nous est rendue. »

Marie-Claire ajoute :
— « Quand j’ai vu ce Mémorial, c’est comme si une partie de notre souffrance trouvait enfin un écho. Nous étions adolescentes quand il est parti. Aujourd’hui, nous sommes des femmes marquées à jamais par cette absence. »

 

Mohamed Moungalat avait laissé derrière lui cinq enfants. Parmi eux, Khadidja et Aminata étaient présentes lors de la cérémonie. Khadidja, née avant le drame mais encore enfant au moment de l’accident, confie :
— « Je n’ai pas eu la chance de connaître mon père, mais toute ma vie, j’ai grandi avec son absence comme une blessure. Être ici aujourd’hui, dans cette salle, c’est douloureux mais apaisant. »

Sa sœur Aminata, la gorge serrée, ajoute :
— « Si papa était encore en vie, je sais que cette famille aurait une autre image. Mais ce Mémorial et ce documentaire nous aident à avancer et à transmettre son souvenir. »

Pour la famille Moungalat, cette reconnaissance dépasse la dimension intime : elle élève la mémoire de Mohamed et de ses confrères au rang de patrimoine national.
— « Merci à la Première Dame, au gouvernement, au ministère du Tourisme et au ministre de la Santé, Adrien Mougoungou. Merci d’avoir honoré notre fils, notre frère, notre père, notre oncle. Quarante ans après, il est encore présent parmi nous, et ce Mémorial restera le témoin éternel de son histoire. »

 

L’inauguration de ce Mémorial transforme Makongonio en un haut lieu de mémoire. Plus qu’un simple village, il devient un sanctuaire où se croisent le souvenir d’un drame, la reconnaissance de la Nation et la symbolique d’un territoire qui est aussi le berceau de la Première Dame.

 

Hier théâtre de la tragédie, Makongonio s’impose aujourd’hui comme un espace d’unité, où les générations présentes et futures viendront se recueillir. Le Mémorial ne dit pas seulement la douleur du passé : il témoigne de la volonté d’un pays de se souvenir, d’honorer et de transmettre.

 

Nous espérons que la redécouverte de l’épave permettra au ministère du Tourisme de prélever un fragment pour l’exposer au Musée national, ou encore de valoriser le site en en faisant un parc touristique attractif, renforçant ainsi la mémoire collective tout en enrichissant l’offre touristique nationale.

 

Nous espérons également que le ministère de l’Éducation nationale se saisira de ce drame pour en faire un objet d’étude dans les manuels scolaires, afin que les générations futures connaissent et comprennent cette page douloureuse mais essentielle de l’histoire nationale.

 

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