Le Gabon politique n’en finit plus de nous surprendre. Au second tour des législatives, le samedi 11 octobre dernier, c’est dans le siège unique de Mongo (Nyanga) qu’a éclaté le scandale du week-end. Une vidéo devenue virale montre Jonathan Ignoumba, ancien ministre du Transport et de l’Agriculture qu’on aurait plutôt imaginé sur un chantier ou dans un bureau de vote en train de jouer les Mike Tyson locaux, poing contre poing avec un jeune électeur.
Oui, vous avez bien lu : un ancien ministre, tee-shirt froissé et sueur au front, se battant sur un terrain vague comme dans un vieux clip de hip-hop des années 2000. Et tout cela, selon plusieurs témoins, pour une sombre histoire de tentative de fraude électorale. La démocratie gabonaise a décidément ses champions… et ses boxeurs.
Quand l’ancien ministre remet les gants
Les faits sont presque caricaturaux : alors que des électeurs s’opposaient à ce qui semblait être une organisation de bourrage d’urnes, Ignoumba aurait voulu “rétablir l’ordre” en donnant des coups au lieu d’en recevoir du peuple. Le résultat ? Une droite en pleine gauche, un crochet du destin et une réputation définitivement mise K.O. Un vieux routier de la politique locale, un tantinet moqueur, nous a confié : « À Mongo, on vote à main levée. Mais avec Ignoumba, on vote à main armée ! » La Nyanga, jusque-là réputée calme, s’est retrouvée dans les tendances Twitter. Le pays entier s’est demandé si les élections législatives étaient devenues une épreuve de boxe électorale.
UDB : du neuf avec du PDG dedans
Ignoumba, il faut le rappeler, est un pur produit de l’école PDGienne : formé dans la grande tradition du “gagnons d’abord, discutons après”. Aujourd’hui membre de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le parti présidentiel censé incarner la rupture, il illustre parfaitement le problème : le changement de sigle ne lave pas les habitudes. L’UDB voulait “bâtir le Gabon nouveau”. Mais à force de recruter les anciens barons du PDG, elle a surtout bâti un chantier d’indiscipline politique. Comme le dit un proverbe fang : « On ne fait pas du vin de palme avec de l’huile de moteur. » Autrement dit, impossible de construire du neuf avec du vieux qui pue encore le ranci du pouvoir passé.
L’ombre du tripatouillage
Dans les coulisses du scrutin, les témoignages affluent : urnes disparues, listes trafiquées, électeurs intimidés… Le tout dans une ambiance de “débrouillardise électorale” bien connue des initiés. Le cas d’Ignoumba ne serait que la face visible de la tricherie institutionnelle, cette vieille maladie qui ronge les élections gabonaises depuis des décennies. Le problème, c’est que cette fois, le peuple filme, diffuse et dénonce. Les réseaux sociaux ont remplacé Gabon1.
Quand le peuple n’est plus spectateur
Et c’est là le grand tournant : le peuple n’observe plus, il juge en direct. Les “faiseurs de rois” d’hier doivent désormais composer avec des électeurs éveillés, équipés de smartphones et de mémoire politique. Finies les magouilles à huis clos. Aujourd’hui, les urnes ont des yeux, et les caméras n’oublient rien. Alors que l’UDB tentait de se présenter comme la vitrine du renouveau, voilà qu’un de ses militants emblématiques transforme l’isoloir en ring de boxe. Le symbole est cruel : un parti censé construire finit par cogner.
Un air de déjà-vu
L’histoire est pourtant vieille comme la République. Le PDG d’hier fraudait en silence, l’UDB d’aujourd’hui fraude en streaming. Les mêmes méthodes, les mêmes visages, les mêmes justifications : “C’est le peuple qui a mal compris.” Sauf qu’à force de prendre le peuple pour un enfant, les pères politiques ont fini par se faire gronder. Comme le dit un autre adage du coin : « Quand tu refuses d’écouter le tambour, c’est le bâton qui te fait danser. » Et Jonathan Ignoumba a dansé, malgré lui.
Chronique d’une déchéance politique
Ce qui devait être un simple duel électoral s’est transformé en métaphore nationale : celle d’un pays qui peine à sortir de ses vieux réflexes de domination, de clientélisme et de triche. L’UDB se voulait l’incarnation du renouveau, mais à force de garder les mêmes hommes, elle a simplement repeint la façade sans changer les fondations.
Et pendant que le peuple s’indigne, la classe politique, elle, s’amuse à faire de la démocratie un sport de combat. À ce rythme, les prochaines élections nécessiteront peut-être la présence de la Fédération gabonaise de boxe plutôt que celle de la Cnocer-Acer
Du chaos au KO
Le cas Jonathan Ignoumba n’est pas qu’un fait divers : c’est un symptôme, celui d’une élite incapable de comprendre que la peur et la fraude ne marchent plus. Le peuple a changé, pas les politiciens. Et à ce jeu-là, ce ne sont pas les urnes qui prennent des coups, mais bien la crédibilité du pouvoir. En somme, à Mongo, ce samedi, la démocratie gabonaise a pris un direct du droit. Et pendant qu’elle compte encore les points, Jonathan Ignoumba, lui, a déjà perdu le combat… de l’opinion publique.
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