Il était une fois une administration publique florissante… du moins sur le papier. Avec ses 103 000 agents officiels, le Gabon aurait dû avoir une administration modèle, efficace et dynamique. Mais la réalité est tout autre : absences injustifiées, effectifs gonflés artificiellement et agents fantômes se prélassant sous les cocotiers pendant que leurs salaires continuent de tomber comme une pluie bienfaisante.
Lors d’un plateau spécial diffusé sur Gabon 24, le Lieutenant-Colonel Loïc Ossiba, commissaire vérificateur de la Task Force et chef de mission de l’audit du personnel de l’administration publique, a levé le voile sur un phénomène digne d’un polar bureaucratique : en 2023, plus de 600 agents ont abandonné leur poste tout en continuant à percevoir leur rémunération. Santé, éducation, ministères stratégiques… aucun secteur n’échappe à cette mascarade.
Un audit qui dérange… mais qui surprend vraiment ?
Ce que révèle l’audit commandé par le Premier ministre Raymond Ndong Sima, c’est avant tout une évidence : l’administration publique gabonaise ne fonctionne que sur le papier, et encore, avec quelques taches d’encre bien douteuses. On y trouve des fonctionnaires fantômes qui, tel le vent, soufflent au gré des opportunités mais restent insaisissables lors des recensements.
« Certains agents ont disparu de leur poste de travail et ont pourtant continué à être rémunérés. Ce constat a été fait dans plusieurs ministères, où 664 personnes ne se sont jamais présentées lors du recensement. Celles qui sont réapparues un ou deux mois plus tard ont été immédiatement identifiées lorsqu’elles ont été mises sous bon de caisse », a détaillé le Lieutenant-Colonel Ossiba.
Et pendant ce temps, l’État verse religieusement leurs salaires, à croire que l’absentéisme est devenu un critère de promotion. Loin d’être une surprise, cette révélation soulève une question fondamentale : qui a laissé faire ?
Une hiérarchie complice ou impuissante ?
Il est fascinant de voir à quel point certains responsables administratifs découvrent soudainement ces dysfonctionnements, comme si la gabegie salariale était une innovation de 2023. Pourtant, pendant des années, ces pratiques ont été tolérées, voire encouragées.
Les agents en question ne se sont pas volatilisés du jour au lendemain. Ils ont simplement bénéficié de la bienveillance d’une hiérarchie plus douée pour fermer les yeux que pour appliquer des sanctions. Car oui, l’administration gabonaise est une grande famille où l’on protège ses pairs, où l’on évite les vagues, et où la discipline est un concept aussi rare qu’un service public performant.
L’argent coule, mais les services publics restent à sec
Pendant que l’État paie grassement des fonctionnaires inexistants, les hôpitaux manquent de personnel, les écoles sont sous-dotées et les citoyens doivent souvent se débrouiller seuls face à une bureaucratie aussi lourde qu’inefficace. En somme, au Gabon, on a inventé un concept révolutionnaire : un service public… sans service et sans public.
La grande question est maintenant de savoir si cet audit servira à quelque chose ou s’il rejoindra la pile des rapports oubliés. En attendant, les absents ont toujours tort… sauf dans l’administration, où ils ont surtout un salaire.
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