La transition devait marquer un nouveau départ pour le Gabon. Mais à voir l’affaire Karpowership, on se demande si ce "nouveau départ" n’est pas plutôt une descente aux enfers, avec un aller simple pour Ankara. Après des mois de discrétion bienveillante, le scandale éclate au grand jour : un contrat énergivore (dans tous les sens du terme), des clauses aussi surprenantes qu’un magicien turc, et une SEEG transformée en brebis égarée… qui risque de finir dans l’assiette du loup.
Un contrat qui sent le mazout et la soumission
13 milliards de francs CFA de fioul à fournir chaque mois par la SEEG pour alimenter les centrales flottantes turques. Ça commence fort. À ce rythme, autant offrir un pipeline en guise de ruban d’inauguration. Mais le vrai tour de force du contrat signé en mai 2024, c’est cette clause ubuesque : deux mois d’impayés et hop, la SEEG devient la propriété de Karpowership !
Autrement dit, le Gabon a signé un accord où il joue à "pile je perds, face tu gagnes". Si le pays ne paye pas (ce qui semble inévitable vu l’état des finances publiques), la SEEG passe sous pavillon turc. Si le pays paye, il saigne à blanc pendant cinq ans. Magnifique !
Des ministres “contraints” de signer ? Par qui ?
Les anciens ministres de l’Économie (Mays Mouissi) et des Comptes publics (Charles M’Ba) auraient été "contraints" de parapher ce contrat. Mais par qui ? Un fantôme d’Ankara ? Un puissant lobby énergétique ? Ou tout simplement l’incompétence et l’urgence de "trouver une solution" quitte à hypothéquer l’avenir du pays ?
Dans cette affaire, le plus ironique, c’est que la SEEG elle-même savait qu’elle ne pourrait pas payer. Elle aurait signalé l’impossibilité de fournir les lettres de crédit nécessaires au bouclage financier du projet. Et pourtant, le contrat a été signé quand même, comme une condamnation à perpétuité rédigée en lettres turques.
Une “solution” qui coûte plus cher que le problème
L’urgence énergétique du Gabon est réelle. Les coupures d’électricité sont un cauchemar quotidien pour les ménages et les entreprises. Mais fallait-il se précipiter dans les bras d’une entreprise étrangère avec un contrat aux allures de pacte faustien ?
Pire, l’accord prévoit un investissement d’1 000 milliards de francs CFA dans des infrastructures électriques. Une somme qui aurait pu être utilisée pour construire directement des barrages hydroélectriques gabonais, plutôt que de louer à prix d’or l’électricité turque.
Un économiste, sous couvert d’anonymat, résume bien la situation : "Si on voulait un modèle parfait de mauvaise gouvernance économique, on ne pouvait pas mieux faire. C’est comme si un homme sans emploi s’endettait pour acheter un yacht, en espérant que les poissons lui remboursent ses crédits."
Le réveil douloureux d’une gestion hasardeuse
Face à la grogne populaire et aux critiques de plus en plus pressantes, le gouvernement a suspendu le contrat en novembre 2024. Officiellement, il s’agit d’une réévaluation du projet. Officieusement, c’est une tentative de sauver les meubles avant que l’affaire ne prenne des proportions incontrôlables. Les conséquences restent cependant lourdes : La SEEG est toujours dans l’impasse financière. Les besoins en électricité ne sont pas réglés.Et l’image du Gabon en matière de gestion publique prend un coup de plus.
Qui paye l’addition ?
Dans ce fiasco digne d’un manuel d’économie sur les "erreurs à ne pas commettre", une question demeure : qui est réellement responsable ? Et surtout, qui va payer ? Le contribuable gabonais, bien sûr. Parce qu’au final, dans ce grand festin énergétique, il y a ceux qui mangent, et ceux qui se font manger.
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