À la Compagnie Nationale de Navigation Intérieure et Internationale (CNNII), on ne transporte plus les marchandises : on accumule les arriérés. Dix-neuf mois de salaires impayés, des employés surendettés, et une direction qui gère l’entreprise avec la souplesse d’un cargo échoué. Voilà le triste bilan d’une transition managériale confiée au groupe burkinabé EBOMAF.
Mais la patience des travailleurs a atteint son point de rupture. Dans un geste de désespoir teinté de résilience, ils ont passé la nuit du 13 janvier à même le sol, devant le siège de l’entreprise au port-môle de Libreville. « Matelas au sol, sans commodités, c’est notre quotidien depuis deux ans, autant l’assumer ici », ironise un employé. Cette nuit blanche n’avait rien d’un camping urbain, mais tout d’un cri de détresse face à l’indifférence qui règne dans les hautes sphères.
19 mois d’arriérés : la traversée du désert
Novembre et décembre 2024 : deux mois de salaires manquants qui viennent s’ajouter à 17 autres, dispersés sur trois ans. Le tout en plein cœur des fêtes de fin d’année. « Nous avons passé Noël en mode survie, et pour Nouvel An, même le pain noir était un luxe », confie un gréviste. Des mots durs pour décrire une réalité qui l’est encore plus.
Pendant ce temps, EBOMAF, ce géant burkinabé présenté comme le sauveur de la CNNII lors de la signature de la concession en février 2024, semble incapable de prendre la barre. Les employés, eux, naviguent en eaux troubles, et le seul horizon en vue, c’est la précarité.
Un siège transformé en campement
La nuit du 13 janvier 2025 restera dans les mémoires : des dizaines de travailleurs couchés sur des matelas de fortune, dans un siège d’entreprise devenu symbole d’abandon. Une image forte, presque poétique dans sa tristesse. Mais cette poésie-là, les employés n’en veulent pas. Ce qu’ils réclament, c’est leur dû.
« On nous demande de travailler, mais on ne nous paye pas. On nous parle de gestion moderne, mais tout ce qu’on voit, c’est une indifférence moderne », s’indigne un délégué syndical. Et de prévenir : « Nous ne partirons pas tant que nos revendications ne seront pas satisfaites. »
EBOMAF : des promesses qui prennent l’eau
EBOMAF, champion des grands projets en Afrique de l’Ouest, s’était engagé à redresser la CNNII. Mais les employés, eux, voient une autre réalité : une direction absente, des salaires fantômes, et une gestion digne d’un naufrage. Les discussions annoncées pour ce mardi 14 janvier suffiront-elles à apaiser la colère ? Rien n’est moins sûr. Car pour les travailleurs, ce ne sont plus les promesses qui comptent, mais les actes.
Un symbole d’échec systémique
Cette crise dépasse la seule CNNII. Elle révèle les limites des partenariats public-privé où les employés sont souvent les premiers sacrifiés. Elle met en lumière un État spectateur, incapable de veiller au respect des engagements pris par ses partenaires.
Dans cette mer d’incertitudes, les employés de la CNNII rament à contre-courant. Et si rien ne change rapidement, ce ne sera pas seulement une entreprise qui sombrera, mais aussi la dignité de ceux qui la font vivre. Pour l’instant, la direction d’EBOMAF reste silencieuse, comme si elle espérait que la colère des employés s’éteigne d’elle-même. Mais à force de négliger l’équipage, on finit par couler avec tout le navire.
Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs marqués * sont obligatoires