Noureddin Bongo Valentin.
Il fallait bien qu’un jour Noureddin Bongo Valentin sorte du silence. Il l’a fait. Et pas en chuchotant : en déversant un fleuve d’accusations, de tortures, de spoliations, de scènes dignes d’un polar tropical, le tout servi par une mémoire aussi précise qu’un notaire suisse sous vitamines. Info241 lui a tendu le micro, et le fils du président déchu a vidé son sac… et celui des autres. Sauf qu’au milieu de ce récit mi-horrifique, mi-cinématographique, demeure une question qui brûle plus que le piment de Ndjolé : Pourquoi, ô pourquoi, Noureddin Bongo et sa mère n’ont-ils jamais répondu à la justice gabonaise ?
Parce qu’à force de se présenter comme des victimes saintes de la junte, ils oublient qu’ils étaient aussi des acteurs majeurs du régime tombé. Un témoignage commando, calibré pour les chancelleries. Dès les premières lignes, Noureddin frappe fort : farce judiciaire, tortures d’État, mises en scène, valises qui ne seraient pas les siennes, militaires possédés par les démons de la plomberie (tuyaux, marteaux, agrafes il ne manque plus que la bétonneuse).
À l’entendre, le 30 août 2023 n’était pas un coup d’État, mais une méga-opération hollywoodienne dirigée par un Général Oligui en mode méchant de série Netflix : « Je te sais intelligent, mais il y a plus intelligent que toi. » On dirait du Bourré de pouvoir pour les nuls. Le problème, c’est que tout est dit avec un sérieux presque religieux, comme si le Gabon entier devait avaler le récit sans grimacer. Pourtant, même les plus naïfs lèvent un sourcil.
« Procès illégal », dit-il. Oui, peut-être. Mais procès ignoré aussi !
Là où l’interview devient croustillante, c’est quand il dénonce un procès par contumace auquel ni lui ni sa mère n’ont participé. À l’écouter, la justice gabonaise les a jugés en douce, sans jamais tenter de les joindre, comme un huissier feignant qui glisse une convocation dans une termitière pour dire « j’ai essayé ».
Sauf que… la convocation, ils l’ont bel et bien ignorée. La réalité, c’est que dès leur mise en résidence surveillée puis leur fuite, mère et fils se sont soigneusement tenus hors de portée de la justice gabonaise. À croire qu’on ne répond au téléphone que lorsqu’il vient de Paris, de Londres ou de l’Union africaine, mais surtout pas de Libreville.
La question que tout journaliste d’investigation poserait sans trembler : S’ils se savent innocents, pourquoi ne se sont-ils pas présentés à la justice gabonaise ? Un innocent courageux commence toujours par : « Me voilà, juges, faites votre travail ». Mais chez les Bongo, l’innocence a un autre mode opératoire : le jet privé, les avocats internationaux et le silence radio.
La stratégie du “martyr, diplomatique”. Le discours de Noureddin repose sur une mécanique bien huilée : S’innocenter en chargeant mille fois plus fort que ses accusateurs. Internationaliser le dossier pour rendre la justice gabonaise illégitime. Sauter l’étape “j’explique mes comptes et mes biens devant les magistrats locaux”. C’est ce qu’on appelle dans les milieux feutrés des palais présidentiels : la stratégie du parapluie volant. Quand il pleut au Gabon, on ouvre le parapluie… mais on l’ouvre à Paris.
Beaucoup de détails… mais très peu de réponses
Noureddin raconte qui l’a frappé, avec quoi, à quelle heure, dans quel sous-sol, avec quel modèle de tuyau. Il se souvient même du nom de l’informaticien qui aurait vidé son compte marocain. Mais à deux questions clés, l’homme devient aussi discret qu’une anguille sous immunité : Pourquoi n’a-t-il pas rendu des comptes à la justice pendant les 14 ans de règne familial. On ne l’entend jamais sur les accusations de corruption, d’enrichissement personnel, de réseaux “Young Team”, de gestion clanique. Lui : rien, silence, virginité administrative. Pourquoi n’a-t-il pas répondu aux convocations après l’ouverture des procédures ? Réponse version Noureddin : Parce que tout était joué d’avance. Réponse version journaliste : Parce que tout procès implique des questions gênantes.
Il faut reconnaître une chose : Noureddin parle aujourd’hui comme un opposant ayant lu Mandela, Fanon et un manuel de géopolitique. Hier, c’était le “coordinateur général des affaires présidentielles”. Aujourd'hui, c’est l’activiste de luxe (comme dirait L’Union) qui se bat pour les droits humains. La transition est si rapide qu’elle donnerait le tournis à une girafe sous amphétamines. Le final mélodramatique : “Je n’ai jamais voulu faire de politique”
Ah ça… le classique. Chaque enfant de président l’a déjà dit au moins une fois. C’est la formule sacrée : « Je n’ai pas d’ambition politique. » Souvent suivie de : « Mais je veux me battre pour la vérité, la justice et les opprimés. » Et parfois de : « Je n’ai jamais volé d’argent. » Le tout sans jamais expliquer pourquoi les villas, comptes, terrains, restaurants, bijoux et valises circulaient comme des navettes de ping-pong au sein de la famille.
Oui, le récit est glaçant. Mais la justice gabonaise mérite aussi une réponse claire.
Le témoignage de Noureddin contient probablement des vérités. Peut-être même beaucoup. Le Gabon n’est pas un pays où les soldats distribuent des fleurs. Et la junte a ses propres zones d’ombre, larges comme un boulevard Omar Bongo un jour de parade.
Mais un journaliste d’investigation sérieux même avec le tranchant satirique du Canard enchaîné ne peut ignorer l’autre face de la médaille : Pourquoi ne pas répondre à la justice du pays dont on se réclame aujourd’hui ? Pourquoi parler aux médias, aux ONG, aux présidents étrangers, mais jamais aux juges nationaux ? Pourquoi décrire le procès comme une “farce”, quand on a soi-même refusé d’y comparaître pour confronter les preuves ?
La satire, ici, rejoint le bon sens africain : « Quand on fuit la cour du village, c’est rarement parce que les tambours sont trop bruyants. » En attendant, la vérité gabonaise se situe quelque part entre les tuyaux, les valises, les non-dits, les tortures possibles… et les convocations ignorées. Et le peuple, lui, regarde tout ça en se disant : « On connaît les danseurs, mais qui joue vraiment le tam-tam ? »
Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs marqués * sont obligatoires