Il y a des familles où les secrets se gardent. Et d'autres où les ambitions politiques se transmettent comme un patrimoine génétique, entre deux gorgées de champagne présidentiel. Au Congo-Brazzaville, le président Denis Sassou Nguesso, doyen de la longévité républicaine et grand prêtre de la stabilité héréditaire, semble s’être soudainement découvert une passion pour la médiation... au Gabon.
Pas dans le pays en général, non. Dans le PDG. Ce vieux parti usé jusqu’à la corde, qui servait autrefois de trône à feu Omar Bongo Ondimba, son défunt beau-fils. Entre nostalgie politique, calcul familial et tentative de recyclage dynastique, Sassou veut éviter que l’héritage de “Papa Omar” ne finisse dans une poubelle de l’Histoire, entre les tee-shirts du PDG et les urnes bourrées de la dernière décennie.
Quand la famille appelle, le vieux lion rugit
Le 27 juillet dernier, au palais privé de Mpila, le président Sassou aurait présidé une réunion discrète mais hautement symbolique : autour de la table, Blaise Louembé, actuel patron contesté du PDG ; Ali Akbar Onanga Y’Obegue, prétendu secrétaire général désigné par Ali Bongo ; et bien sûr, Omar-Denis Junior Bongo, petit-fils du président congolais et fils biologique d’Omar Bongo. Oui, le fils du beau-fils, donc le petit-fils politique. Vous suivez ? Pas besoin d’être généalogiste pour comprendre que l’arbre Bongo a encore des branches pleines d’ambitions. Objectif officiel : réconcilier les deux factions du PDG. Objectif réel : éviter que le parti-forteresse d’antan ne devienne un vulgaire hangar à égos.
L’unité du PDG ? Non. L’unité de l’héritage Bongo.
Car ne nous y trompons pas : Sassou Nguesso ne fait pas ça pour les beaux yeux du pluralisme politique gabonais. L’homme à la moustache blanche n’a jamais eu de passion pour les partis divisés, sauf si la division est utile à sa cause. Ce qui l’anime ici, c’est une volonté quasi-patriarcale de préserver l’œuvre politique de son gendre défunt, Omar Bongo. Un homme qu’il appelait affectueusement "le petit" tout en copilotant avec lui les sommets africains comme d’autres organisent des barbecues de famille.
Et depuis la chute brutale d’Ali Bongo en août 2023, le PDG est devenu une maison sans toit, où les cousins se battent pour les clés et les tableaux d’héritage. Or, Sassou voit dans cette pagaille la menace d’un effondrement complet de l’édifice Bongo. Et cela, il ne peut le tolérer : on ne laisse pas une dynastie se déliter sous prétexte de transition politique.
Un PDG “bongorisé” version 3.0 ?
Derrière l’opération de médiation, se profile un plan savamment huilé : faire d’Omar-Denis Junior le nouveau visage du PDG. Un Bongo 3.0, relooké pour l’ère post-Ali, mais toujours connecté au socle génétique du pouvoir. Une sorte de reboot politique, où l’on change la façade mais pas les fondations.
Selon nos sources, Omar-Denis s’active depuis des mois à fédérer ses demi-frères, demi-sœurs, oncles, tantes et anciens amis du père autour d’un projet clair : récupérer l’instrument politique familial, avant qu’il ne devienne un simple objet de musée. D’ailleurs, Christian Bongo, l’un des rejetons les plus silencieux de la lignée, était lui aussi présent à Mpila. Quand les Bongo se réunissent hors du pays, ce n’est jamais pour un simple apéro.
Et le peuple gabonais dans tout ça ?
Bonne question. Il regarde, amusé ou désabusé, cette pièce de théâtre régional, où l’ancien président du Congo joue les marabouts du consensus, pendant que la justice gabonaise, elle, hésite encore à dire qui a raison. Le Tribunal de Libreville a suspendu son verdict, renvoyant la patate chaude à la Cour constitutionnelle. Résultat : le PDG est en pause, mais la guerre d’héritiers continue.
Quand Sassou protège son musée
En s’immisçant dans la crise du PDG, Denis Sassou Nguesso ne sauve pas un parti politique, il préserve un musée vivant. Celui d’une époque révolue, où la stabilité se transmettait de père en fils et les révolutions se négociaient entre familles. Il veut s’assurer que l’œuvre de son beau-fils ne soit pas détruite par les querelles intestines ou les ambitions de transition.
Mais à force de bricoler les ruines du passé, ne risque-t-il pas d’en retarder l’enterrement ? Car au fond, le PDG d’Omar n’est plus. Et vouloir le ressusciter, c’est comme vouloir faire danser un cadavre : ça peut marcher quelques minutes, mais ça finit toujours par sentir mauvais.
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