On le croyait en croisade spirituelle, le voilà en campagne électorale. Le Dr Mike Jocktane, leader religieux autoproclamé "serviteur du Très-Haut", a décidé d’enfiler aussi le costume de "serviteur du Très-Bas" entendez, le bas-fond politique de Port-Gentil. C’est donc officiel : le président de l’Union pour un Gabon Nouveau (UGN), prophète à ses heures, politicien à plein temps, brigue à la fois un siège à l’Assemblée nationale et un strapontin au conseil municipal. Un grand écart entre le Saint-Esprit et les égouts municipaux.
De l’église au conseil municipal : itinéraire d’un élu annoncé (par lui-même)
C’est dans une vidéo solennelle, à mi-chemin entre confession publique et spot de télévangéliste, que Mike Jocktane a révélé sa divine ambition : conquérir électoralement le 2ᵉ arrondissement de Port-Gentil. L’argument massue ? « Mes parents y vivent depuis 50 ans. » À ce rythme, chaque gabonais ayant une tante à Ntoum devrait se présenter aux sénatoriales. L’homme revendique une "légitimité affective". Traduction : l’amour du quartier suffirait à réparer les canalisations, désengorger les classes et distribuer l’eau courante par la grâce du Saint-Esprit.
Pasteur et politicien : le double-jeu devient dogme
Mike Jocktane n’en est pas à son premier miracle électoral. En 2021 déjà, son UGN s’annonçait comme une force de changement. Mais cette fois, l’homme semble croire à sa propre prophétie : "Je crois en Port-Gentil", répète-t-il comme une litanie. À défaut de croire en la CENAP ou aux institutions, c’est déjà ça. Il promet un renouveau, une "transformation locale", alors même que son dernier mandat visible fut dans l’au-delà... médiatique.
Quand Dieu inspire… et que l’UDB appuie
Mais derrière les paroles enflammées se cache une mécanique bien huilée : un deal tacite avec l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le bras politique du Général-président. Aucun candidat UDB ne viendra contrecarrer l’ascension de l’évêque-candidat. Un silence qui en dit long. L’ancien opposant au régime Bongo, naguère marginalisé, serait-il devenu un messager utile de la transition ? Ce "gentleman agreement" n’a rien de divin : c’est du calcul brut, une alliance opportuniste entre un pouvoir en quête de respectabilité et un homme d’Église en mal d’urnes.
Un évangile électoral cousu de fil politique
Derrière la croix, l’ambition. Derrière les prêches, les stratégies. Mike Jocktane ne parle plus aux foules pour les sauver, mais pour les enrôler. Il ne prêche plus le salut, il vend une promesse : "Je vous ai compris… et je veux vos voix". Ce mélange des genres frôle le blasphème institutionnel : un pied dans la chaire, l’autre dans les affaires. Peut-on encore distinguer le prophète du politicien, le sermon du programme, l’appel au Seigneur de l’appel à voter ?
Une ville à genoux… et un candidat en soutane
Port-Gentil n’a pas besoin de miracle, mais de béton. Pas de bénédiction, mais de budget. Et pourtant, Jocktane propose la foi là où les habitants attendent des services publics. Le danger n’est pas tant sa candidature que cette tentation croissante de transformer la République en paroisse, et les électeurs en fidèles.
Jocktane se veut l’apôtre du changement. Mais derrière la soutane, c’est un politicien comme les autres : plus habile, plus sacré, mais pas forcément plus sincère. À Port-Gentil, les urnes jugeront si la foi déplace les montagnes…
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