À la CNAMGS, on croyait avoir vu le pire. Mais depuis une semaine, le chaos administratif a pris des airs de tragicomédie institutionnelle. Ce mercredi, le Conseil d’administration, réuni en urgence, a désigné Pierre Moussavou, directeur général adjoint, pour assurer l’intérim du poste de Directeur général, à la suite de la suspension musclée de Nadia Christelle Koye par le président du Conseil, Alain-Claude Kouakoua. Officiellement, il s’agit d’assurer la continuité du service. Officieusement, tout le monde sait qu’il s’agit surtout de rétablir un semblant de paix dans un navire en dérive.
Car depuis des mois, la CNAMGS n’est plus une caisse de protection sociale, mais une caisse de résonance des conflits d’ego. Entre querelles hiérarchiques, décisions contestées, suspicions de favoritisme et luttes de pouvoir, l’institution publique ressemble à une marmite mal couverte : la vapeur finit toujours par s’échapper. Et cette fois, la déflagration a été publique.
La suspension de Mme Koye par le PCA sans délibération collégiale préalable a déclenché un tollé interne. Les syndicats et le personnel ont dénoncé une procédure arbitraire, rappelant que le Conseil d’administration dans son ensemble devait se prononcer. Dans un système déjà fragilisé par la méfiance, cette décision unilatérale a été perçue comme la goutte d’huile sur le feu déjà ardent de la méfiance mutuelle. Mais dans cette affaire, il ne faut pas se contenter de lire les lignes : il faut lire entre les lignes.
Mme Koye n’est pas une inconnue dans l’arène. Ses liens politiques sont aussi visibles que ses ambitions. Vice-présidente d’un candidat lors de la présidentielle de 2023, elle avait déjà laissé entrevoir une propension à mêler politique et gestion publique. Et comme le dit un proverbe bantou : « le chien ne change jamais sa manière de s’asseoir ». En réalité, la CNAMGS a peut-être hérité d’une dirigeante dont le réflexe premier n’a jamais été l’équilibre administratif, mais la conquête du pouvoir, quel qu’en soit le terrain.
Sous sa direction, l’institution s’est enlisée dans les règlements de comptes internes, les nominations partisanes et les guerres de clans. Plusieurs cadres évoquent, sous couvert d’anonymat, une « gestion opaque », où la loyauté personnelle valait plus que la compétence. Les réunions de direction, jadis outils de coordination, seraient devenues des tribunaux internes où la moindre contradiction se payait d’une mise à l’écart.
Et comme on dit au village : « quand le chef se bat avec le tambour, c’est la danse qui en souffre. » Dans ce contexte, l’arrivée de Pierre Moussavou en qualité d’intérimaire sonne comme un palliatif d’urgence, un pansement posé sur une plaie institutionnelle. Le nouveau patron par intérim n’est pas un novice. Connu pour sa discrétion et son sens du devoir, il connaît la maison et ses recoins. Mais il sait aussi que les murs ont des oreilles et que les couteaux sont souvent rangés sous la table. Sa mission sera donc aussi politique qu’administrative : rétablir la confiance, nettoyer les écuries, et surtout éviter de devenir le prochain fusible.
Mais au-delà de cette crise, la situation de la CNAMGS révèle une pathologie plus profonde : celle de la gestion publique gabonaise, souvent gangrenée par la politisation des postes, la personnalisation du pouvoir et la faiblesse des contre-pouvoirs. Chaque direction devient un champ de bataille entre ambitions personnelles et luttes d’influence. Et pendant que les dirigeants se déchirent, les assurés, eux, attendent toujours leurs remboursements et leurs droits. « Quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre. »
La désignation de Moussavou ne règle donc rien. Elle repousse simplement l’explosion. Car tant que la CNAMGS restera un instrument de rivalités politiques plutôt qu’un outil de protection sociale, la crise sera cyclique, et les “intérimaires” s’enchaîneront comme des pansements sur une jambe de bois. Et pour paraphraser un proverbe fang : « on peut cacher le feu sous la cendre, mais la fumée finit toujours par trahir l’incendie. »
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