Depuis son retour au Gabon, Ndjieh Kevin, plus connu sous le pseudonyme de Commandant Seffa, est-il une figure de la lutte anti régime déchu mise sous éteignoir sous la transition politique en cours? La question vaut son pesant d'or d'autant plus que cet ancien exilé politique, compagnon de lutte de Juste Parfait Moubamba alias Bung Pinze, se retrouve aujourd'hui en proie à une forme de stigmatisation au sein de la nouvelle dynamique instaurée par le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema.
Un parcours marqué par l’exil et la résistance
L’histoire du Commandant Seffa s’entremêle avec celle de l’opposition à l’ancien régime Bongo-PDG. Après la crise post-électorale de 2016, ayant suivi la contestée réélection d’Ali Bongo face à Jean Ping, Ndjieh Kevin et Bung Pinze avaient pris position en faveur du camp de l’opposition. Craignant pour leur sécurité, ils avaient quitté le Gabon pour un exil forcé, à l’abri des représailles.
Le 30 août 2023, avec la chute d’Ali Bongo orchestrée par le général de brigade Oligui Nguema, un nouvel espoir s'est dessiné pour ces figures de la lutte. L’appel du nouveau régime à l’unité et à la reconstruction les a encouragés à regagner leur pays. Si Bung Pinze a su tirer parti de cette ouverture en devenant conseiller en charge des questions culturelles auprès du président de la transition, le chemin de Ndjieh Kevin semble semé d’embûches.
Un engagement de terrain peu récompensé
Déterminé à contribuer au renouveau du Gabon, le Commandant Seffa a lancé l’association Liberté Totale. Cette initiative visait à redonner espoir aux jeunes marginalisés et aux prisonniers, à travers un travail de proximité axé sur la réinsertion sociale. Ce projet a d’ailleurs reçu l’appui de partenaires comme la fondation Ma Bannière et l’Institut Gabonais d’Appui au Développement (IGAD).
Cependant, le bilan reste mitigé. Malgré ses efforts, Seffa déplore l’absence de résultats concrets. « Beaucoup de jeunes, faute de solutions d’insertion, sont retournés en prison. Aujourd’hui, il devient difficile de convaincre ces mêmes jeunes de continuer à soutenir la transition », confie-t-il avec une pointe d’amertume.
Ce manque de suivi expose également l’ancien exilé à une désillusion croissante au sein des communautés qu’il tente d’aider. Les promesses faites par son association semblent s’être heurtées à un mur d’indifférence ou d’incompréhension.
Un sentiment de mise à l’écart
Au-delà de ces déconvenues sur le terrain, Ndjieh Kevin s’interroge sur sa propre trajectoire. Toujours déterminé à jouer pleinement sa pleine partition, le commandant Seffa affirme néanmoins ressentir une certaine marginalisation. Il évoque notamment un incident où un proche du président lui aurait rapporté que son image aurait été ternie auprès du chef de l’État.
« On aurait dit des choses sur moi au président, mais je ne sais ni quoi ni par qui. Cela m’a coupé l’accès à un dialogue avec lui, alors que je ne souhaite qu’apporter ma modeste contribution », explique-t-il, visiblement affecté.
Malgré ces obstacles, le Commandant Seffa reste fidèle à son engagement et à sa foi dans la transition. C'est dans ce contexte qu'il entend d'ailleurs initier une nouvelle tournée de sensibilisation, lui et son association à travers les quartiers sous intégrés dits «Des mapanes» pour rassurer ces derniers de ce que rien de ce que les nouvelles autorités projettent en leur direction n'est perdu.
Une transition à l’épreuve de l’inclusion
Le cas de Ndjieh Kevin illustre les défis auxquels fait face le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Si le président Oligui Nguema prône une approche inclusive, certains acteurs clés semblent peiner à trouver leur l'appui nécessaire à leurs initiatives en sa faveur dans cette nouvelle configuration.
Alors que le Gabon cherche à tourner la page des années de crise, l’intégration des forces vives et des anciens opposants reste une priorité pour garantir la réussite de la transition. Le Commandant Seffa, malgré ses difficultés actuelles, incarne l’une des voix qui demandent à être entendues pour bâtir un avenir plus équitable.
Reste à savoir si son appel sera reçu, ou si ce chapitre de son histoire personnelle s’ajoutera aux frustrations et doutes que certains anciens et actuels activistes jugent encore peu rassurants dans cette transition gabonaise diversement appréciée au sein de l'opinion.
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