Edgard Moukoumbi, une sortie et une polémique.
Voulant clore le dossier du milliard destiné à la Louetsi wano Lébamba, le ministre des Travaux Publics a tenu des propos qui ont fait scandale. Sous couvert de transparence, son intervention a mis en lumière une gestion solitaire des fonds, un mépris assumé envers les populations et une stratégie de fuite vers le sommet de l'État. L'affaire, désormais bientôt judiciarisée, est loin d'être close.
— « Vous cherchez le milliard pour quoi faire ? », « Ce n’est pas le milliard qui va développer la Louetsi wano », « On n’a pas besoin de vous consulter, vous, populations de Lébamba. » Ces phrases, prononcées publiquement par le ministre des Travaux Publics, ont fait l’effet d’un coup de tonnerre. Chargé d’apporter l’apaisement dans le feuilleton du « milliard querellé », le ministre a choisi la provocation. Résultat : la contestation, loin de s’éteindre, a trouvé de nouvelles brèches et une vigueur renouvelée.
Du « où ? » au « comment ? » : la mutation d’un scandale
L’affaire a officiellement changé de nature. Après des mois de rumeurs de détournement visant l’ancien ministre, le Général Flavien Nzengui Nzoundou, son successeur, Edgard Moukoumbi, qui avait annoncé avoir localisé ledit milliard à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) se retrouve à son tour au centre d'une violente contestation.
Cette révélation devait tout calmer. C’était sans compter la réaction de l’opinion. Pour les détracteurs, le problème n’est plus la disparition de l’argent, mais son contrôle exclusif par le ministre actuel. Le scandale a muté : du crime présumé de détournement, on est passé à la critique d’une gestion opaque et solipsiste. Le débat ne se résume plus à « Où est l’argent ? » mais à « Comment est-il géré, et par qui ? »
Le one-man-show d’un ministre tout-puissant
Le cœur de la nouvelle polémique bat dans les aveux du ministre lui-même. Il a confirmé le décaissement de 300 millions et évoqué des « poses de premières pierres ». Surtout, il a décrit un système où une seule personne – lui – concentre tous les pouvoirs : la sélection des projets d’intérêt public et le choix des entreprises qui les réaliseront.
Cette confusion des rôles, où le commanditaire, le sélectionneur et le contrôleur ne font qu’un, est une entorse grave aux principes de bonne gouvernance. « Sur quels critères objectifs les entreprises sont-elles choisies ? », s’interrogent des observateurs locaux. Dans l’ombre de cette opacité, les soupçons de clientélisme et de passe-droits prospèrent.
« On n’a pas besoin de vous consulter » : la phrase qui a tout enflammé
Si la gestion est opaque, la communication, elle, a été d’une clarté brutale. Les déclarations du ministre à l’encontre des populations de Lébamba ont agi comme un accélérateur de colère.
« Vous cherchez le milliard pour quoi faire ? », a-t-il lancé, minimisant l’enjeu. « Ce n’est pas le milliard qui va développer la Louetsi wano », a-t-il affirmé, semblant contredire l’objectif initial de la dotation présidentielle. Le point d’orgue fut cet argument d’autorité : « On n’a pas besoin de vous consulter. »
Perçus comme un mépris de classe et un déni de démocratie participative, ces propos ont transformé une querelle financière en conflit politique. Ils offrent à l’opposition l’image parfaite d’un pouvoir vertical et déconnecté, méprisant les citoyens qu’il est censé servir.
Le parapluie présidentiel : une stratégie à haut risque
Face à la tempête, le ministre a semblé vouloir se retrancher derrière la plus haute autorité. En invoquant à plusieurs reprises les « ordres » et « l’aile protectrice » du couple présidentiel, il a tenté de déplacer la responsabilité vers le sommet de l’État.
Une manœuvre qui passe mal. Pour les analystes, ce « parapluie présidentiel » est une arme à double tranchant. « En associant le couple présidentiel à son laïus, il a fait croire que ce désordre bénéficie de leur protection », ironise un fin connaisseur du landerneau local. Cette stratégie risque non seulement d’échouer à le couvrir, mais aussi d’éclabousser l’exécutif et d’éroder un peu plus la confiance dans les institutions.
L’heure de vérité approche pour les entreprises adjudicatrices
Dans ce contexte explosif, l’annonce de convocations prochaines des entreprises bénéficiaires marque un tournant. La justice, ou du moins une forme de contrôle administratif, entrera sous peu en scène.
L’objectif est clair : retracer le chemin de l’argent et comprendre le processus d’attribution. Les auditions devront répondre à des questions précises : y a-t-il eu mise en concurrence ? Les critères de choix étaient-ils techniques ou opaques ? Les 300 millions déjà dépensés correspondent-ils à des prestations vérifiables ? Les réponses détermineront si l’affaire s’enlise dans la défiance ou débouche sur une clarification.
Un scandale devenu symbole
L’affaire du milliard de Lébamba dépasse aujourd’hui largement le cadre d’une simple polémique financière. Elle est devenue le symbole d’une triple fracture : entre les promesses de développement et la réalité du terrain, entre une gestion publique opaque et l’exigence de transparence, et entre une élite perçue comme arrogante et une population qui demande des comptes.
Les tentatives maladroites pour étouffer le scandale n’ont fait que le nourrir. La balle est désormais dans le camp des enquêteurs. Leur capacité à percer l’opacité des procédures et à établir la vérité des faits décidera si cette affaire finit par s’éteindre dans le silence administratif ou si elle éclate au grand jour, avec toutes ses conséquences.
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