C’est la République du village où les intérêts opaques, les affinités prévalent sur la bonne marche de l’administration publique et du pays de manière globale. C’est le cas dans le dossier Sotrasmar.
Cette entreprise, spécialisée dans les activités de navigation, plus précisément dans le pilotage maritime, l'accompagnement des navires, l'économie bleue et l'expertise maritime, a été suspendue, le 11 février 2025, par l’actuel Directeur général de la Marine marchande, Jean Cruz Lessagui. Dans cette correspondance, dont Top Infos Gabon a pu avoir accès, le patron de la Marine marchande signifiait à l’opérateur économique « la suspension de la convention de concession d’exploitation de la station de pilotage secondaire ou spéciale du port de commerce d’Owendo ».
En cause, les nombreuses violations de la convention qui lie la Marine marchande à la Sotrasmar, notamment sur la gestion des pilotes stagiaires envoyées par l’administration publique au sein de la société que dirige Gabin Nicaise Yala. Par jalousie et cupidité, le patron de la Sotrasmar va décider, au terme des trois ans de formation des pilotes stagiaires, de les renvoyer et de bloquer la délivrance, à ces derniers, des brevets de pilote maritime. Ce, sous prétexte que ces derniers ne maitrisaient pas l’exercice du pilotage. Le 10 février 2025, dans un courrier envoyé au Premier ministre de la Transition, Raymond Ndong Sima, les quatre pilotes stagiaires dénonçaient les agissements cruels de Yala (lire numéro 223 de la Cigale Enchantée).
Le degré d’incurie de Yala sur la gestion de ce dossier
C’en est trop pour le Directeur général de la Marine marchande. Lequel va rappeler à Yala le degré d’incurie dont il fait montre sur la gestion de ce dossier : « Faisant suite à votre courrier cité en référence, je me questionne sur votre état d’esprit parce que les raisons évoquées ne sont nullement soutenables ». Jean Cruz Lessagui va alors rappeler à Yala que son argumentaire « sur la maîtrise ou non de l’exercice du pilotage par les stagiaires ne repose sur aucune grille d’évaluation ou de documents administratifs probants. Or, poursuit-il, la mise à disposition d’un des documents à l’administration maritime aurait permis d’évaluer le degré d’assimilation des enseignements par les stagiaires ».
Le Directeur général de la Marine marchande ne s’arrête pas là. Il rappelle au patron de la Sotrasmar que l’argument relatif aux manœuvres d’accostage et d’appareillement est tout aussi dénué de sens. Car, fait-il savoir, « votre zone de compétence est celle concédée et non le quai. A cet effet, vous n’êtes pas habilité au regard du lien contractuel entre la direction générale de la Marine marchande et Sotrasmar, à juger de l’aptitude des stagiaires mis à votre disposition dans la zone au-delà de votre champ de compétence ». En outre, dégaine le DG de la Marine marchande, « le paiement de la redevance et l’envoi des stagiaires par la direction générale de la Marine marchande dans votre structure d’accueil ne vous affranchit pas du respect de vos engagements et de la collaboration avec l’autorité maritime compétente qui non seulement vous a concédé l’exercice de l’activité de pilotage, mais reste encore celle qui peut vous la retirer temporairement ou définitivement ». Non sans poursuivre : « S’agissant de la durée de la formation, il ne vous revient pas de juger de l’opportunité ou non de l’application d’un arrêté ministériel, mais plutôt d’une exécution stricte des dispositions prévues dans ledit texte ».
Le DG de la Marine marchande va rappeler à Yala qu’à l’issue des deux ans de formation, il lui est fait obligation d’établir un procès-verbal de fin de stage et de le transmettre à l’administration maritime pour agir conformément aux conclusions dudit procès-verbal. Une procédure, là aussi, ignorée par Yala. « Malheureusement, jusqu’à ce jour, nous constatons pour le regretter que malgré les multiples rappels, la société Sotrasmar est dans l’incapacité de fournir à l’administration maritime un bilan de fin de formation qui permettait d’apprécier les connaissances et les compétences des pilotes stagiaires qui vous ont été confiés », se désole Jean Cruz Lessagui.
Martin Boguikouma à la rescousse d’un bras cassé
Acculé, sonné, déboussolé, le patron de la Sotrasmar va aller verser toutes les larmes de son corps auprès de Martin Boguikouma. L’actuel Directeur général de l’OPRAG va s’opposer à la suspension de la Sotrasmar sous prétexte que la gestion des ports et rades du pays relève de sa seule compétence : « Pour votre parfaite information, je tiens à vous rappeler qu’à l’intérieur des circonscriptions portuaires, l’OPRAG jouit de la compétence exclusive en matière de délivrance des autorisations d’exercice du pilotage. (…) En plus d’être le garant et le responsable de la mise en œuvre des missions régaliennes de l’Etat dans le secteur portuaire ». Le Directeur général de l’Oprag va aller plus loin. Au cours d’une réunion en date du 14 février 2025, le Commandant adjoint 2 du port d’Owendo, Rudy Andjoua, va porter à la connaissance de l’assistance que la Sotrasmar reprenait ses activités. Ce qui va être effectif puisque la Sotrasmar va procéder, les jours qui suivent, aux opérations d’accompagnement en entrée et sortie de certains navires. Une aberration !
L’Oprag se fourvoie complètement.
« A la lecture des textes et missions de l’autorité portuaire, il apparaît clairement que l’exclusivité dont elle (l’OPRAG) se prévaut connaît des insuffisances et des limites. L’Office jouit de la capacité, certes, d’autoriser l’exercice de l’activité de pilotage et de l’exploitation des stations de pilotage, mais reste sous le contrôle de la direction générale de la Marine marchande (DGMM) », explique un des conseillers du Premier ministre au fait du dossier.
Il reste donc aux plus hautes autorités de mettre fin à cette chienlit, en appelant Boguikouma à l’ordre.
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