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Michel Ongoundou Loundah, ou l’art de dire tout haut ce que le Parlement murmure tout bas

IMG Michel Ongoundou Loundah, président de REAGIR.

À force de bricoler les institutions comme on rafistole un vieux costume trop étroit, le Gabon a fini par se tailler une singularité peu enviable : un Parlement à deux vitesses, une légitimité à géométrie variable et des lois votées dans un climat de confusion savamment entretenue. La taxe forfaitaire d’habitation (TFH) aura au moins eu un mérite : lever le voile sur les contradictions d’un système politique encore en quête de cohérence.

 

C’est dans ce contexte que Michel Ongoundou Loundah, président de REAGIR et sénateur de la Transition, est monté au créneau. Lors d’une conférence de presse aux allures de séance de décryptage institutionnel, l’homme n’a pas mâché ses mots. Et pour cause : comment demander à un pays déjà éprouvé par la vie chère de comprendre une nouvelle ponction fiscale quand les règles du jeu parlementaire elles-mêmes semblent écrites au crayon à papier ?

 

« Nous avons des députés élus et des sénateurs nommés, dont je fais partie. Nous n’avons pas la même légitimité, pas le même statut, et pourtant nous votons les mêmes lois », a-t-il rappelé. Une phrase simple, mais lourde de sens. Car derrière cette remarque se cache une question centrale des sciences politiques : peut-on durablement gouverner avec des institutions dont la légitimité est asymétrique, sans fragiliser la confiance citoyenne ?

 

À l’Assemblée nationale comme au Sénat, le vote de la TFH a mis en lumière une réalité rarement assumée : l’obéissance partisane tend à primer sur la représentation populaire. Dans un pays où le mandat électif est censé être libre, certains députés ont découvert, parfois brutalement, que dire « non » peut coûter plus cher que voter « oui ». À l’inverse, ceux qui ont osé s’abstenir ou s’opposer ont reçu les félicitations appuyées du président de REAGIR, qui a salué leur courage politique – denrée devenue rare sous les lambris du Palais Léon-Mba. « Il n’y a pas de mandat impératif », a-t-il insisté, rappelant un principe fondamental souvent oublié lorsque la discipline de parti se transforme en muselière démocratique. Une piqûre de rappel bienvenue dans un Parlement où l’on confond parfois loyauté politique et abdication intellectuelle.

 

Sur le fond, la taxe forfaitaire d’habitation soulève une interrogation plus large : celle du rapport de l’État à l’impôt et à la taxe. Le Pr Vincent Moulengui Boukossou l’a souligné sans détour. Dans les États à gouvernance sérieuse, l’impôt finance l’action publique sans contrepartie directe, tandis que la taxe est censée correspondre à un service rendu. Or, au Gabon, la TFH ressemble davantage à un impôt déguisé qu’à une taxe clairement justifiée.

La question devient alors implacable : avant de tendre une nouvelle fois la main vers la poche des citoyens, que sont devenus les sept milliards de francs CFA attribués à chaque province, soit 63 milliards au total ? Une somme bien supérieure aux 2,8 milliards aujourd’hui espérés à travers cette taxe contestée. Le silence du gouvernement sur ce point nourrit davantage la suspicion que la pédagogie fiscale.

Derrière les débats techniques, c’est le quotidien des Gabonais qui est en jeu. Loyers exorbitants, transports coûteux, inflation persistante : la TFH apparaît pour beaucoup comme la goutte d’eau fiscale qui fait déborder un vase déjà fissuré. En sciences sociales, on appelle cela un risque de rupture du consentement à l’impôt, phénomène redouté dans toutes les démocraties fragiles.

Le débat reste ouvert, certes. Mais une chose est sûre : en mettant des mots crus sur des réalités feutrées, Michel Ongoundou Loundah a rappelé que la Transition ne saurait être un blanc-seing pour des décisions mal expliquées, ni un prétexte pour transformer le Parlement en simple chambre d’enregistrement. Quand la politique oublie le social, c’est toujours la rue qui finit par rappeler la leçon.

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