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Economie

Réduction drastique du fonds de souveraineté : Oyima veut dégager une marge budgétaire pour le social

IMG Henri-Claude Oyima, vice-président du gouvernement en charge de l’Économie et des Finances.

Dans les arcanes du budget gabonais, certains fonds ont une mémoire plus longue que les discours officiels. Le fonds dit de souveraineté, aujourd’hui raboté de 100 milliards de francs CFA, n’échappe pas à cette règle. Présenté naguère comme un matelas macroéconomique destiné à amortir les chocs et financer l’avenir, il fut, selon de nombreux témoignages et débats judiciaires, davantage un fonds politique qu’un instrument de politique publique.

 

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce fonds s’est retrouvé au cœur du procès spécial dit des Bongo-Valentin et de la “Young Team”, ce cénacle devenu célèbre pour ses circuits financiers opaques, ses bons, ses décaissements express et ses signatures qui valaient ordre. Là, le fonds apparaissait moins comme un rempart budgétaire que comme une caisse d’appoint du pouvoir, servant à huiler les rouages politiques, calmer les fidélités et entretenir l’écosystème du régime.

 

Aujourd’hui, changement de décor. Henri-Claude Oyima, vice-président du gouvernement en charge de l’Économie et des Finances, vient expliquer aux parlementaires que la réduction de ce fonds vise à « dégager une marge budgétaire pour le social ». L’argument est noble. Mais il laisse perplexe. Car comment ne pas voir dans ce réajustement tardif un désaveu silencieux d’un passé budgétaire embarrassant ?

 

Car enfin, si ce fonds était réellement sanctuarisé, stratégique et intouchable, pourquoi a-t-il si longtemps servi de réservoir politique officieux ? Et s’il était politique hier, comment devient-il soudainement social aujourd’hui ? Comme dit l’adage africain : « On ne lave pas un pagne sale en public sans accepter que l’eau devienne trouble. »

L’explosion annoncée des dépenses de souveraineté, passées de 30 à 156 milliards de FCFA en une seule année budgétaire, avait déjà mis la puce à l’oreille. Une hausse de 420 %, dans un pays où les hôpitaux manquent de tout et où l’école publique survit par la débrouille, cela ressemblait moins à une stratégie qu’à une nostalgie de l’opulence d’hier. Le tollé a suivi. Et le couperet est tombé.

 

Derrière ce jeu d’écriture budgétaire se cache une réalité plus crue : la dette publique dépasse désormais les 8 600 milliards de FCFA, et l’État vit sous perfusion. Dans ce contexte, continuer à préserver un fonds longtemps associé aux pratiques du pouvoir déchu devenait politiquement indéfendable. Il fallait trancher, ou du moins donner l’impression de le faire.

 

Mais attention au trompe-l’œil. Puiser dans un fonds jadis utilisé pour la politique afin de colmater des brèches sociales aujourd’hui pose une question de fond : a-t-on tiré toutes les leçons du scandale ? Ou se contente-t-on de déplacer les lignes sans changer la logique ? « Quand le crocodile quitte la mare, ce n’est pas parce qu’il est devenu végétarien », dit la sagesse africaine.

 

La vraie rupture ne réside pas dans la réduction d’un fonds, mais dans la traçabilité, la transparence et la redevabilité. Tant que les Gabonais ne sauront pas précisément à quoi, à qui et comment ces ressources ont servi hier et serviront demain le soupçon demeurera. Et le fonds, qu’on l’appelle de souveraineté ou autrement, restera marqué du sceau d’un passé où le budget public n’était pas un outil de développement, mais un instrument de pouvoir.

 

En somme, la coupe budgétaire annoncée par Henri-Claude Oyima est peut-être nécessaire. Mais elle ressemble davantage à un pansement sur une vieille plaie qu’à une véritable chirurgie des finances publiques. Or, comme le dit un autre adage : « Tant qu’on ne retire pas l’épine, la plaie ne peut guérir. »

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