Le Chef de l'Etat lors de sa visite à la Fonction Publique.
Il aura suffi d’une visite présidentielle sans tambour ni trompette pour que l’administration, longtemps plongée dans une sieste réglementaire, découvre soudain que l’État sait encore compter les absents. « Quand le chef entre par la porte, même les murs se lèvent », dit un adage africain. Au ministère de la Fonction publique, le 15 décembre, les murs ont regardé ailleurs, mais le chef, lui, a tout vu.
Bureaux clairsemés, dossiers de concours entassés comme du manioc mal séché, procédures plus âgées que certaines carrières administratives : le président Brice Clotaire Oligui Nguema a mis le doigt là où l’administration préfère habituellement mettre des cachets. Verdict immédiat : l’État ne peut plus « tourner à vide ». Traduction bureaucratique : l’absentéisme n’est plus un folklore, c’est un délit de paresse institutionnelle.
Trois jours plus tard, le Conseil des ministres du 18 décembre a joué la partition que l’administration redoutait : celle de la sanction. Et pas une sanction symbolique, du genre « rappel à l’ordre avec sourire crispé ». Non. Cette fois, la hiérarchie a été servie en entrée, plat et dessert. Cabinet du ministre remercié en bloc. Secrétaire général, secrétaire général adjoint, directrice générale, directeurs stratégiques des archives, du recrutement, de la gestion des personnels, de la communication : tout ce qui tenait la maison… tenait surtout la chaise. « Quand la pirogue ne bouge plus, on regarde d’abord le pagayeur », rappelle la sagesse africaine. L’exécutif a décidé de regarder… et de débarquer les pagayeurs.
Sur le plan administratif, le signal est clair : la responsabilité ne se dilue plus dans les parapheurs. En frappant au sommet, le pouvoir applique enfin une règle pourtant bien connue des manuels de gestion publique : l’encadrement répond de l’effondrement du service rendu. L’absentéisme des agents n’est plus un problème de base, mais un échec de commandement.
Car derrière les bureaux vides se cache un mal plus profond : une administration où le contrôle est théorique, la sanction exceptionnelle et la reddition des comptes quasi folklorique. « Le poisson pourrit par la tête », dit un proverbe. Le Conseil des ministres semble avoir pris l’adage au pied de la lettre. Mais attention : la sanction n’est pas une réforme. Elle n’en est que le préambule. Suspendre, limoger, remplacer c’est spectaculaire, efficace politiquement, cathartique même. Mais l’État ne se modernise pas à coups de communiqués. La vraie question reste entière : que se passera-t-il après la peur ?
Digitalisation réelle ou slogan recyclé ? Dossiers traités ou simplement déplacés ? Délais réduits ou promesses reconduites ? « On ne traverse pas la rivière en insultant le crocodile » : l’administration gabonaise, profondément enracinée dans ses routines, ne se transformera pas par la seule vertu de la crainte hiérarchique. Le ministre, désormais chargé d’assurer les intérims, incarne à lui seul la nouvelle doctrine : continuité du service, mais rupture avec la complaisance. Encore faudra-t-il que cette rigueur survive au temps politique. Car l’histoire administrative africaine regorge de sanctions tonitruantes suivies de retours feutrés et de promotions silencieuses. « Le tam-tam fait du bruit, mais la danse peut ne jamais commencer ».
En définitive, cette séquence marque peut-être l’entrée de la Fonction publique dans une ère nouvelle : celle où l’inaction produit des conséquences, et où l’administration cesse d’être un sanctuaire pour devenir un outil. Ou peut-être assiste-t-on simplement à un épisode de plus dans le grand théâtre des réformes annoncées. Comme le dit un dernier adage : « Le soleil ne se cache pas longtemps avec la main ». Les résultats, eux, ne se cachent jamais. À l’administration, désormais, de prouver que la sanction était le début du travail t non la fin du spectacle.
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