Un gouverneur limogé, un sac de 150 millions qui disparaît dans les couloirs d’un hôtel, une jeune femme transformée en apprentie cambrioleuse de luxe, une amie bavarde qui joue les indicatrices, un agent des renseignements recyclé en tortionnaire à la petite semaine… et au milieu, un citoyen ordinaire, Ayami Vauh, qui devient le punching-ball d’un système pourri jusqu’à la moelle. Voilà le scénario ubuesque qui a secoué l’Ogooué-Maritime depuis le 20 août.
Jean-Robert Nguema Nnang, gouverneur de son état mais surtout représentant caricatural de cette administration colonisée par l’arrogance, le cash facile et l’impunité a finalement été jeté par-dessus bord le 8 septembre. Le conseil des ministres a servi la formule habituelle : « relevé de ses fonctions ». Dans le langage de la rue, cela veut dire : « On t’a cramé, tu pars, mais ne t’inquiète pas, le système continue. »
Car le vrai scandale n’est pas seulement l’image d’un haut fonctionnaire endormi près d’un sac bourré de billets comme un dealer de quartier. Le vrai scandale, c’est qu’un innocent a été arrêté, torturé et humilié par la DGSS, cette machine à broyer des vies qui fonctionne en roue libre depuis des années. Le vrai scandale, c’est qu’une certaine Jessica Allogo peut menacer publiquement un citoyen de représailles tout en se vantant d’avoir ses parrains parmi « les hautes personnalités ». Et le vrai scandale, enfin, c’est que l’État s’est contenté de virer un gouverneur comme on change une ampoule grillée, sans se demander qui a installé le circuit électrique pourri.
On parle ici d’un pays en transition, censé tourner la page de l’ancien régime. Mais à voir les méthodes – argent sale, tortures, manipulations on dirait plutôt une rediffusion de très mauvais épisodes. On recycle les mêmes pratiques, on change juste les acteurs. La Ve République ressemble de plus en plus à un vieux meuble repeint : brillant à l’extérieur, vermoulu à l’intérieur.
La nomination de Françoise Assengone Obame à la tête de l’Ogooué-Maritime est vendue comme un signe d’assainissement. Mais soyons sérieux : une nouvelle tête ne suffira pas à faire oublier l’odeur nauséabonde laissée par son prédécesseur. Dans les bars, les taxis et les marchés, les Gabonais ricanent déjà : « Ils ont remplacé le voleur par une vitrine. Mais le système reste intact. »
Au fond, cette affaire n’est pas un accident : c’est un révélateur. Elle montre ce que devient un État quand les institutions ne servent plus qu’à couvrir les abus d’une élite déconnectée. L’éviction de Nguema Nnang n’est pas une victoire de la justice. C’est juste une opération de communication pour calmer une opinion publique qui n’est plus dupe.
Reste une question : jusqu’à quand les Gabonais accepteront-ils de regarder la République jouer cette pièce tragico-comique, où les mêmes acteurs, toujours compromis, rejouent les mêmes scènes d’impunité ?
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