En politique gabonaise, les ruptures annoncées ressemblent souvent à des illusions d’optique : plus on croit s’en éloigner, plus on retombe sur les mêmes figures et les mêmes pratiques. Le désistement du Parti démocratique gabonais (PDG) de ses recours contre les candidatures de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) illustre parfaitement ce paradoxe. Présentée comme une décision anodine, elle consacre en réalité un retour aux vieilles recettes : arrangements entre élites, sélectivité juridique et confusion institutionnelle.
Le 4 septembre 2025, Blaise Louembé, président du PDG, a notifié à la Cour constitutionnelle de la transition le retrait de toutes les requêtes visant les listes UDB. Officiellement, il s’agit d’un geste de « coopération politique », conformément au règlement intérieur du parti qui autorise son président à conclure des accords avec d’autres formations. Officieusement, c’est un pacte électoral déguisé, qui valide des candidatures pourtant en violation de l’article 82 du Code électoral (loi organique n°001/2025). Celui-ci impose aux candidats de démissionner de leur formation d’origine avant de se présenter ailleurs. Une règle que plusieurs « bâtisseurs », anciens militants du PDG, n’ont jamais respectée.
Face à cette manœuvre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, président d’Ensemble pour le Gabon (EPG) et dernier Premier ministre d’Ali Bongo, a dénoncé une violation flagrante de la loi. Dans un tweet publié le 7 septembre, il a pointé une sélectivité dangereuse : pourquoi protéger les irrégularités de l’UDB et maintenir les contestations contre d’autres partis ? Derrière cette critique se cache un constat plus large : le droit électoral, censé garantir l’équité, se transforme en instrument de convenance politique.
Car ce retrait ne fait pas que brouiller le jeu électoral : il ravive une évidence que beaucoup feignaient d’ignorer. L’UDB, parti de l’actuel pouvoir, est en partie l’héritière du PDG, tant par ses cadres que par ses pratiques. Le pacte tacite entre les deux formations montre que la « rupture du 30 août 2023 » n’a jamais été qu’un récit de façade. Le système Bongo-PDG, décrié hier, se recompose aujourd’hui sous d’autres sigles.
Pour les observateurs politiques, le désistement du PDG trahit trois choses : La continuité des élites les anciens dignitaires recyclés dans la nouvelle majorité ne sont pas marginalisés, mais au contraire protégés. La fragilité de l’État de droit une loi électorale récente et présentée comme une avancée est déjà contournée pour des calculs politiques. Le brouillage de la rupture ce qui devait marquer une page nouvelle de l’histoire politique gabonaise n’est, au fond, qu’une relecture du même scénario.
En somme, le PDG n’a pas vraiment quitté le jeu : il l’a simplement redécoré. Et l’UDB, en se présentant comme la force de l’avenir, se révèle être le miroir du passé. Derrière le mot « bâtisseurs », il n’y a peut-être que des rénovateurs d’un édifice déjà fissuré.
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