Ce 3 mai 2025, le Gabon a offert au monde un spectacle peu commun sur le continent : une investiture républicaine, digne, ordonnée, résolument tournée vers l’avenir, mais surtout, accompagnée d’un ballet diplomatique de premier plan. Un moment rare, qui mérite d’être compris à la lumière de ce qu’il révèle : le retour stratégique du Gabon sur la scène africaine et internationale.
Il ne s’agissait pas seulement d’un changement de président. Il s’agissait d’un signal. Un signe que Libreville redevient un carrefour, une voix, un point d’équilibre dans une Afrique en mutation. En accueillant une dizaine de chefs d’État, en enregistrant la présence d’émissaires américains de haut rang, le Gabon a prouvé qu’il n’était plus dans le repli, mais dans la projection. La diplomatie gabonaise, longtemps confinée à la routine protocolaire, retrouve des couleurs, une audace, une ambition.
C’est le fruit d’un travail souterrain mené depuis la transition du 30 août 2023. Le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), en dépit de ses imperfections, a su rouvrir les canaux diplomatiques, normaliser les rapports, et restaurer un minimum de confiance dans l'État. Cela, il faut le reconnaître, est déjà une forme de rupture historique.
Mais plus encore, l’image projetée ce 3 mai est celle d’un Gabon qui choisit de penser par lui-même. Qui ne veut plus subir la diplomatie, mais l’écrire. En s’ouvrant aussi bien à l’Afrique de l’Ouest qu’à l’Afrique centrale, à Washington qu’à ses partenaires traditionnels, le pays affirme une position d’équilibre, d’agilité stratégique. C’est là toute la subtilité du moment : ni alignement aveugle, ni isolement naïf, mais un positionnement réfléchi.
Toutefois, la cérémonie ne saurait masquer les défis à venir. Car une diplomatie solide repose sur une politique intérieure stable, cohérente, équitable. Les alliances ne tiendront que si les institutions tiennent. La promesse gabonaise ne se mesurera pas à la hauteur des tribunes, mais à la rigueur des politiques publiques, à la transparence des réformes, à la continuité républicaine. Ce qui commence à Libreville devra s’étendre à l’ensemble du territoire : en santé, en éducation, en justice, en développement local. C’est que j’ai d’ailleurs retenu du discours du Chef de l’État.
Enseigner m’a appris ceci : les États les plus forts sont ceux qui savent conjuguer leur souveraineté avec l’intelligence du monde. Écrire, quant à lui, m’a enseigné une autre vérité : tout peuple a le droit de se raconter autrement. Le Gabon a peut-être entamé, ce jour-là, son propre changement de narratif. Non pas celui d’une transition qui se prolonge, mais d’une nation qui s’élève. À condition de ne pas confondre ovation et transformation.
Benicien Bouschedy, Écrivain-Chercheur
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