Quand on parle de la SEEG, on ne sait plus s’il faut en rire, en pleurer, ou tout simplement investir dans des bougies. À force de jongler entre les coupures d’électricité, les factures incompréhensibles, et les agents qui confondent service public et rente privée, les Gabonais ont développé un sixième sens : celui de détecter l’arrivée imminente du noir. Pas celui de la nuit, non. Celui de l’impuissance énergétique, version tropicale.
Mais voilà qu’un nouvel épisode vient enrichir le feuilleton rocambolesque de cette entreprise publique : un scandale de vol interne, digne des meilleures séries Netflix. Deux transformateurs, 2000 et 2500 KVA (pas des jouets Kinder, donc), ont été subtilisés par un employé de la maison, assisté par un comparse bien inspiré. Leur ambition ? Sans doute créer une micro-SEEG parallèle, mais sans l’infrastructure, ni le service client ce qui, pour être honnête, les mettait déjà à égalité avec l’originale.
Le sabotage venu de l’intérieur
Sieur Eyi Ovono Hervé Jacolin, salarié modèle (modèle de ce qu’il ne faut pas faire), a préféré transformer son poste en guichet d’opportunités personnelles. Il aurait, selon la Direction de la Fraude et de la Sécurité, orchestré le détournement de ces précieux transformateurs avec la complicité de Mavoungou Mamouanda Carly, qu’on imagine expert en logistique discrète.
Résultat : deux quartiers plongés dans le noir, une direction centrale qui fait semblant de découvrir que l’eau et l’électricité fuient aussi par le haut, et une opinion publique qui, elle, a cessé depuis longtemps d’être surprise. La bonne nouvelle ? Les deux larrons dorment désormais à la Prison Centrale de Libreville, où, ironie du sort, les coupures d’électricité sont aussi fréquentes que dans leurs anciens quartiers de prédilection.
Le cas de ces deux agents n’est que la partie visible d’un iceberg qui flotte depuis trop longtemps dans le courant instable de la SEEG. Car si les infrastructures sont vétustes, le cœur du problème réside aussi dans l'impunité systémique, le manque de contrôle interne, et une culture d’entreprise où la débrouillardise illégale tient parfois lieu de stratégie de carrière.
Les factures ? Elles arrivent comme des menaces. Le service client ? Un numéro à composer pour tester sa patience. L’entretien du réseau ? Une loterie dont les gagnants restent introuvables. Et pendant ce temps, certains agents se transforment en contrebandiers d’énergie, sous les yeux d’une hiérarchie souvent dépassée… ou complice par inaction.
Le CTRI, vigie militaire dans un marécage administratif
Heureusement et c’est à souligner la Direction de la lutte contre les fraudes, instaurée par le CTRI, semble bien décidée à faire le ménage, à coups d’enquêtes, d’arrestations et de mandats de dépôt. Un travail salué, car il rompt avec des années de laxisme institutionnel. Mais la question demeure : fera-t-on tomber seulement les lampistes, ou ira-t-on jusqu’aux disjoncteurs en costume-cravate qui valident, couvrent ou ferment les yeux ? Car il ne suffit pas d’arrêter deux voleurs pour soigner une maison gangrenée. La SEEG a besoin d’une refonte totale, de la direction jusqu’aux compteurs, en passant par une réforme culturelle, technique et managériale.
Quand les citoyens deviennent experts en délestage
À force de subir, les Gabonais ont développé une résilience électrique remarquable. Ils savent quand stocker l’eau, comment préserver leur frigo sans courant, et quel jour la SEEG oubliera de respecter son planning. Cette débrouillardise populaire, si elle impressionne, n’est pourtant pas une fin en soi. C’est le symptôme d’un abandon, d’un échec d’État, et d’une démission de service public.
On peut féliciter le Chef de l’État d’avoir donné des instructions fermes pour que la lumière soit et reste, mais tant que des agents véreux continueront à traiter les transformateurs comme des biens de famille, le Gabon restera suspendu entre deux réalités : celle d’un pays qui veut avancer, et celle d’une SEEG qui le maintien dans l’ombre.
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