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Rendu de la CIJ : Face à la tempête d’émotions, Rossatanga-Rignault prône pour « la rationalité républicaine »

IMG Guy Rossatanga-Rignault, Professeur de droit des universités.

Quand la République s’émeut, s’invente des géopoliticiens à tous les carrefours et s’improvise juriste après lecture partielle de quelques tweets mal orthographiés, il reste des voix froides, lucides, presque désarmantes de rationalité. Celle de Guy Rossatanga-Rignault en est une. Agent du Gabon devant la Cour internationale de Justice (CIJ), le professeur s’est livré dans un entretien sans fard à GabonReview. Un entretien qui a, sans surprise, souffleté l’émotion patriotique, écorché le bavardage populiste, et rappelé que la souveraineté ne se gagne pas à coups de statuts Facebook, mais à travers des traités qu’il faut lire oui, lire dans leur intégralité.

 

Le procès de l’émotion publique

Dès les premières lignes, Rossatanga plante le décor : non, le Gabon n’a pas passé des années à se réfugier derrière la Convention de Bata de 1974. Non, la CIJ n’a pas balayé un « argument central » que certains n’ont pas lu mais défendent comme un totem. Et non, l’affaire n’a pas été perdue sur l’autel d’un excès de juridisme. Voilà pour la mise au point.

 

Mais alors, que perdons-nous ? Trois îles – Mbanié, Cocotiers et Conga qui auraient servi de symbole national si elles n’étaient pas restées dans l’oubli des atlas scolaires. Et que gagnons-nous ? Environ 300 km² de terre ferme, à l’Est du méridien sacré de 1900, que la Guinée équatoriale devra rétrocéder. Un échange territorial que certains décrivent comme un troc, d’autres comme une farce cartographique. Reste que ce n’est pas une loterie : c’est du droit. Ce que le professeur martèle, encore et encore.

 

L’ironie du réel

Quand Rossatanga dit être « épaté par l’explosion d’experts », on entend surtout son exaspération polie. Car depuis l’arrêt, Libreville s’est transformée en amphithéâtre géant : les chauffeurs de taxi citent la Convention de Montevideo, les commerçants discutent de souveraineté et les influenceurs confondent CIJ et FIFA. Dans ce tumulte, Rossatanga rappelle que la CIJ ne rend pas des jugements pour plaire à un hashtag. Elle statue selon le principe d’uti possidetis juris cette formule latine que les nouveaux patriotes préfèrent ignorer, car elle les empêche de s’indigner en paix.

 

Le procès de l'État, ou l'État en procès ?

Au fond, l’affaire révèle une fracture plus profonde : celle entre un État qui parle le langage des traités, des cartes et du droit international, et une opinion publique abreuvée de mythes, de colère mal canalisée et de fantasmes de revanche. Il est tentant d’accuser les diplomates d’avoir mal « joué » la carte stratégique, comme si la CIJ était un casino de Monte-Carlo. Mais comme le dit Rossatanga : « On va devant une Cour pour faire du droit. » Ce rappel simple, brutal mérite d’être enseigné dans nos écoles autant que dans nos rédactions.

 

Un verdict à digérer… avec des couverts en acier trempé

À ceux qui crient à la perte symbolique, Rossatanga répond par un réalisme qui frôle l’insolence : le Gabon et la Guinée équatoriale sont condamnés à vivre ensemble, non pas par choix affectif, mais parce que la géographie n’a pas encore demandé l’asile. La digestion sera lente ? Peut-être. Tension régionale ? Peut-être aussi. Mais la décision est là. Et elle s’appliquera, avec ou sans les lamentations du village global.

 

Le droit comme dernier bastion

En filigrane, cette interview est une défense du droit, de la méthode, de la rationalité républicaine face aux tempêtes émotionnelles. Rossatanga-Rignault ne cherche pas à plaire, ni à séduire. Il fait son métier, comme il l’a toujours fait : sans bruit, sans posture, sans enflure. C’est peut-être cela, aujourd’hui, la vraie subversion dans une République où le bon sens devient révolutionnaire.

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