À peine le Général-Président Brice Clotaire Oligui Nguema a-t-il récolté un score soviétique de 90,35 % à l’élection présidentielle du 12 avril 2025, que certains de ses soutiens ont cru entendre sonner l’heure de la distribution des parts du gâteau. Le Rassemblement des Bâtisseurs (RDB), cette plateforme politique née pour porter la candidature du chef de l’État, a voulu se réinventer. Mieux : elle a failli se transformer en parti politique. Oui, un vrai, avec logo, sièges à pourvoir, et probablement des motions de soutien toutes les deux semaines.
Mais c’était sans compter sur une évidence historique : au Gabon, les plateformes politiques ne meurent pas, elles explosent en vol. L’annonce, ce 14 avril, par Me Anges Kevin Nzigou avocat des causes difficiles et désormais porte-voix d’un collectif à l’identité en quête de définition d’une assemblée générale pour muter le RDB en parti, a été stoppée net. Le couperet est tombé : suspension de toutes les activités, annulation de l’assemblée générale. Rideau.
Un rétropédalage en règle, orchestré avec une élégance toute militaire : on avance, on recule, et surtout, on obéit. Comme si quelqu’un, quelque part, avait soudainement rappelé que le RDB n’a jamais été conçu pour penser, encore moins pour exister indépendamment. Il n’était qu’un bras temporaire, une béquille électorale. Et maintenant que le fauteuil présidentiel est conquis, la béquille devient… encombrante.
Les vieux réflexes ont la peau dure. Comme le PDG en son temps, le RDB a rapidement montré les signes de dégénérescence politique : pensée unique, centralisme exacerbé, culte de la figure tutélaire. Ce qui devait être une force de soutien est devenue un miroir aux ambitions. Les seconds couteaux de la vie politique, les recyclés de la Républiquette, y ont vu une nouvelle mangeoire. Le problème ? Le chef n’a pas dit “Servez-vous”.
La crise actuelle n’est donc pas idéologique. Elle est gastronomique. Le ventre vide appelle à la création de structures, à la quête de fauteuils, à l’urgence de congrès fondateurs qui ne fondent rien d’autre que des carrières politiques. Sauf que cette fois, le cuisinier a retiré la marmite du feu avant même que la soupe ne soit prête.
En toile de fond, une inquiétude plus sérieuse : le peuple gabonais n’en peut plus d’être infantilisé par des élites politiques interchangeables, qui confondent le suffrage avec un blanc-seing et le pouvoir avec un buffet à volonté. Après plus de 50 ans de “pensée guidée”, les citoyens veulent choisir, débattre, contester. Pas qu’on leur colle un nouveau logo sur un vieux logiciel politique.
Le RDB a été utile. Il a été utilisé. Il est aujourd’hui désactivé. Reste à savoir s’il sera recyclé, enterré ou transformé en musée des ambitions perdues. Mais une chose est sûre : les Bâtisseurs ont tenté de construire un parti sur du sable mouvant… et l’histoire, toujours, finit par engloutir les châteaux de sable.
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