Le Gabon, sous l’impulsion du président Brice Clotaire Oligui Nguema, est en pleine mutation. Les gratte-ciels surgissent comme des champignons, les routes sont refaites, les écoles se multiplient et « Libreville 2 » est enfin en chantier. Le pays, on pourrait le croire, entre dans une ère de prospérité inédite, où le béton et l’asphalte redéfinissent la modernité. Mais derrière ces paysages urbains rutilants, une question brûle les lèvres : avez-vous déjà croisé un malade mental ou une personne âgée dans la rue, ces derniers temps ?
Dans cette course à la modernité, il serait facile de croire que les plus vulnérables ne seraient pas laissés pour compte. Pourtant, le Gabon semble avoir adopté une vision sélective de la dignité humaine. Le ministère de la Santé, occupé à superviser la construction de colossales infrastructures, semble avoir oublié que, dans une nation moderne, la dignité se mesure aussi à la prise en charge des plus faibles. Que dire des maisons de retraite ou des centres psychiatriques ? On pourrait croire que, dans ce nouveau Gabon flamboyant, ils ont été relégués aux oubliettes, comme un vieux projet dont on n’ose plus parler.
À croire que le gouvernement imagine que les malades mentaux et les personnes âgées, tout simplement, disparaissent de l’espace public, comme par magie. Mais non. Ils sont bien là, invisibles dans les coins sombres de la ville, loin des bâtiments neufs et des cités flambant neuves. On les trouve parfois dans des ruelles désertes, oubliées de tous, pendant que le béton continue de pousser dans le reste du pays. Ces êtres vulnérables semblent condamnés à errer dans une ville où la modernité n’a pas daigné les inclure dans ses plans.
Prenons l’exemple de l’hôpital régional de Melen. Une pièce de musée en pleine capitale. Alors que le pays se targue de rénover ses infrastructures modernes, l’hôpital de Melen semble figé dans une époque révolue. Il faut dire qu’une route traverse le bâtiment, transformant ce lieu en un spectacle pour les automobilistes en quête de sensations fortes. Mais au-delà de cette attraction touristique pour conducteurs audacieux, l’oubli des infrastructures de sécurité et des soins adéquats pour les patients, en particulier les malades mentaux, soulève des interrogations plus profondes. Après tout, si la route traverse l’hôpital, c’est peut-être un signe que la santé publique, ici, en prend aussi pour son grade.
Quant aux personnes âgées, leur sort semble tout tracé : l’oubli. Le Gabon, dans sa fièvre de modernité, a décidé que la vieillesse et la maladie mentale n’ont pas leur place dans un monde où l’on préfère ignorer les réalités humaines moins reluisantes. Aucune maison de retraite digne de ce nom, aucun centre de soins pour malades mentaux, juste des gens laissés à leur sort, comme si la société était trop occupée à construire de nouvelles tours pour s’occuper de ces petites faiblesses humaines
Ce décalage entre les grands projets de transformation et l’oubli des plus vulnérables met en lumière une vérité crue mais souvent ignorée : à mesure que le Gabon s’édifie en gratte-ciels et en routes lustrées, ses fondations sociales se fissurent. Les grands chantiers sont là, mais à force de bétonner, on oublie de cimenter les bases de la solidarité humaine. La dignité humaine, semble-t-il, est un luxe qui se réserve à ceux qui ont les moyens de vivre dans la modernité. Pour les autres, la modernité reste un mirage.
Et à quand, alors, la réhabilitation des centres psychiatriques et des maisons de retraite ? À quand une véritable transformation sociale qui inclut réellement les Gabonais les plus fragiles ? La question reste posée, mais en attendant, on continue à construire de beaux immeubles. Car après tout, dans ce pays, il semble plus urgent de bâtir des tours que de prendre soin de ceux qui en ont le plus besoin. Et si, en fin de compte, la véritable fondation d’une nation moderne résidait dans la manière dont elle traite ses citoyens les plus vulnérables ? Peut-être qu'il faudra encore quelques années avant que le Gabon se rappelle de ce détail.
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