Dans un Gabon où l'on célèbre régulièrement les avancées économiques et sociales, une question demeure suspendue dans l’air : "Et les personnes handicapées, où en sommes-nous ?" C’est à se demander si les droits humains s’arrêtent à la porte des personnes vivant avec un handicap. En effet, si vous cherchez des rampes d'accès, des infrastructures adaptées ou même une véritable politique d'inclusion pour les personnes en situation de handicap, vous risquez de tomber sur une impasse. Mais ne vous inquiétez pas, ce n'est qu'une question de perspective. Après tout, qui a besoin de rampes quand on a la chance de vivre dans un pays où l'oubli et l’indifférence sont des arts bien maîtrisés ?
Un droit à la dignité… presque
Le Gabon, comme beaucoup de pays, a ratifié plusieurs conventions internationales sur les droits des personnes handicapées, promesses d'un avenir radieux. Mais dans la réalité, la situation ressemble plus à une blague de mauvais goût. Les engagements signés par le pays sont souvent ignorés, comme si le simple fait de signer un document suffisait à transformer la réalité. Ainsi, dans les rues de Libreville, la capitale, et des autres villes gabonaises, la condition des personnes handicapées semble être une question de "nuisance sociale" plutôt que de dignité humaine.
Imaginez-vous dans une administration publique où chaque porte semble vous dire "vous n'êtes pas les bienvenus". Et pour les personnes en fauteuil roulant, la promesse d’une rampe d'accès est aussi abstraite qu’une étoile filante. Pourtant, le ministère des Affaires Sociales, ce ministère noble qui a la charge des personnes vulnérables, semble avoir perdu son GPS et ne parvient pas à se rendre là où les réformes sont nécessaires.
Le "chic" du handicap : mendiants nationaux
Que se passe-t-il quand les promesses de l'État ne se réalisent pas ? La réponse se trouve à chaque carrefour principal de la capitale, où des hommes et des femmes handicapés mendiant deviennent les "mendiants nationaux". Un surnom ironique pour ceux qui ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière, mais plutôt comme une attraction touristique sur le côté de la route. Bien sûr, ce n’est pas de la "pitié" qu’ils demandent, mais de la reconnaissance de leur dignité humaine. Une dignité qui semble se dérober chaque jour davantage.
Leurs journées sont un combat permanent contre l’indifférence. Au lieu d’être accueillis dans des écoles adaptées, des centres de soins, ou d'être accompagnés dans la société, ils sont livrés à eux-mêmes, au mieux réduits à des objets de charité et, au pire, ignorés. Ce silence, cette absence de réponse de la part des autorités, est une forme de violence sociale plus sourde et plus pernicieuse que l'absence de rampes d’accès.
L’exception gabonaise : les albinos, victimes d’une mythologie sociale
Poussons l’ironie plus loin. Les albinos, qui font partie des personnes en situation de handicap en raison de leur particularité génétique, font face à une double peine dans le pays. Au-delà des difficultés d’accès aux soins de santé ou d’éducation, ils sont parfois perçus comme des victimes de mythes et de croyances arriérées, et dans des cas tragiques, font face à des violences à cause de leur couleur de peau. La société semble les rejeter comme des parias, victimes de rituels de sacrifice, oubliées des politiques publiques.
C’est une image déconcertante d’un pays qui se veut progressiste mais qui, en réalité, fait très peu pour ses citoyens les plus vulnérables. Dans un système où la corruption fait souvent office de "rampe d'accès" pour d'autres catégories de personnes, les handicapés continuent de se battre pour obtenir une simple place à la table de la citoyenneté.
La solution sous les yeux des pouvoirs publics
Ironiquement, les solutions sont déjà à portée de main. Il suffit de prendre une décision politique courageuse, de faire respecter les conventions internationales, et surtout d'arrêter de "regarder ailleurs" quand il s'agit des droits des personnes handicapées. Les réformes existent déjà, les textes sont là, et les pays voisins montrent parfois un chemin plus éclairé dans ce domaine.
Mais peut-être est-il plus facile de tourner la tête et d’ignorer les appels désespérés des citoyens en fauteuil roulant, des enfants malentendants ou des adultes qui se battent pour un peu de dignité. Peut-être que le Gabon préfère conserver l'image d'un pays où les sourires sont larges, même quand les injustices sont petites ou invisibles.
Le handicap, ça peut arriver à tout le monde
La vérité, que l’on oublie souvent, est que le handicap peut frapper n'importe qui, à n'importe quel moment de la vie. Un accident de voiture, une maladie, une mauvaise chute, et voilà qu'une personne valide devient, du jour au lendemain, "un handicapé". Alors, pourquoi tant d'indifférence envers ceux qui, aujourd'hui, sont dans cette situation ?
Le Gabon se doit de changer de regard. Il ne s’agit pas de pitié, mais de solidarité. Pas de charité, mais de justice. Les personnes handicapées n'ont qu'une seule exigence : la dignité. Et pour l'obtenir, il est temps que les pouvoirs publics, au lieu de se perdre dans des discours creux, passent enfin à l'action. Il est grand temps d’accorder à ces citoyens leur juste place dans la société, en respectant leurs droits et en leur offrant les conditions d’une vie décente.
Sinon, comme d’habitude, nous pourrons toujours les regarder, de loin, dans les rues et sur les trottoirs, et continuer à nous dire que, finalement, leur "lente disparition" est la meilleure façon d’effacer leur existence.
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