Dans un Gabon où les coupures de courant font désormais partie du quotidien, la promesse d'une centrale électrique flottante de Karpowership semblait être la lumière au bout du tunnel. Il est vrai que le pays avait besoin de solutions urgentes pour soulager Libreville, en proie à un « désert électrique » menaçant. Mais à y regarder de plus près, le miracle énergétique attendu semble se transformer en une illusion flottante.
Le 21 novembre dernier, à la suite d’une réunion avec Arnaud Engandji, Conseiller spécial en charge de l’énergie à la présidence de la République, la direction générale de l’Énergie, représentée par Aristide Ngari, a annoncé la suspension du projet de Karpowership. Raison invoquée ? Des « nombreuses insuffisances » et des préoccupations nécessitant un « réexamen approfondi ». Voilà qui pourrait faire sourire, ou plutôt pleurer, les Librevillois qui avaient mis tant d'espoirs dans ce projet.
La centrale flottante turque, censée alimenter la capitale et sauver le pays d'une crise énergétique chronique, semble finalement incapable de lever l'ancre. Les premiers signes de défaillance se sont multipliés. Outre les retards de livraison, on apprend que le projet souffre de coûts jugés exorbitants, et, cerise sur le gâteau, de soupçons de surfacturation. Pour une centrale censée être une solution rapide et temporaire, il semble que la seule chose qui flotte, ce sont les interrogations autour de sa mise en œuvre.
Il y a bien eu ce contrat signé le 14 juin 2024 entre le Gabon et Karpowership, dans des circonstances qui ne brillaient pas par leur transparence. Si l’on en croit certains observateurs, la signature du ministre de l'Énergie, Jeannot Kalima, aurait été réalisée dans une atmosphère des plus opaques. Un détail qui, à ce jour, semble résumer l'état d'esprit autour de ce projet : flou, confus, et sans véritable direction.
Mais pourquoi ce projet semble-t-il aussi compliqué à mettre en place ? La réponse est simple : l’infrastructure nécessaire n’est pas en place. On parle ici de lignes de transmission haute tension, de ports adaptés, et d’installations de stockage de carburant. Des infrastructures que le pays n’a pas encore. Une petite broutille quand on décide de mettre en place un projet censé sauver le pays d’une crise de l’électricité, n’est-ce pas ?
Les autorités gabonaises, dépassées par la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), trop vieillissante pour répondre à la demande croissante, se sont donc tournées vers Karpowership, une entreprise turque spécialisée dans la construction, l'exploitation et la gestion de centrales électriques flottantes. L’idée semblait ingénieuse sur le papier : une centrale mobile, capable de fournir de l'énergie rapidement, sans nécessiter de lourdes infrastructures fixes. Mais dans les faits, il semble que les promesses aient été un peu trop belles pour être vraies. La solution miracle devient un fardeau pour un gouvernement déjà sous pression.
Le plus inquiétant dans cette affaire n’est pas seulement la non-viabilité du projet, mais l’absence de communication claire autour des raisons de ces blocages. Le pays ne dispose pas des infrastructures de base nécessaires pour accueillir un projet de cette envergure, mais aucun n’a vraiment osé remettre en question les fondements du contrat signé avec Karpowership. Pourquoi ne pas avoir anticipé les besoins logistiques et techniques en amont ? Pourquoi un projet qui semblait résoudre un problème urgent se transforme-t-il en un casse-tête administratif et financier ?
Il est désormais question de confier à une commission l’analyse approfondie de la situation, et on espère que les conclusions seront plus éclairantes que le contrat lui-même. La transition énergétique gabonaise, en quête d’une lueur d’espoir, pourrait bien devoir se contenter d’une autre promesse en suspens, faute de pouvoir allumer le moindre phare.
En attendant, les Librevillois, eux, continuent de vivre dans l’ombre, espérant qu’un jour, peut-être, l'énergie flottera enfin sur la capitale, mais il est fort à parier que ce ne sera pas sous la forme d’une centrale flottante.
Karpowership, le projet miracle du Gabon, semble être un vaisseau en perdition. La solution énergétique promise ne brille pas par sa clarté, et l’avenir semble bien plus nuageux que prévu pour la lumière au bout du tunnel.
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