Il n’y a pas que les éléphants et les gorilles qui en ont marre dans les parcs nationaux du Gabon. Depuis plusieurs semaines, une révolte grandissante secoue l’Agence Nationale des Parcs Nationaux (ANPN), un organisme public qui, au lieu de se concentrer sur la protection de la biodiversité gabonaise, semble davantage préoccupé par sa propre survie économique. Et si les gardes forestiers ont choisi de lutter contre la précarité, on ne peut s’empêcher de se demander si cette crise n’est pas, en fait, une métaphore de la situation écologique du pays.
Trois mois sans salaire : Un safari dans l’abîme financier
Trois mois. Voilà combien de temps les agents de l'ANPN n'ont pas vu la couleur de leur salaire. Un laps de temps suffisant pour qu’un quart de l’année s'écoule sans qu'un centime ne vienne récompenser ceux qui veillent sur les joyaux naturels du Gabon. Une situation qui ferait pâlir même les plus résistants des pachydermes. Cette grève, certes inattendue, n'est ni le fruit d'une politique de conservation défaillante, ni d’une crise économique mondiale, mais plutôt d'une administration bien gabonaise, qui semble avoir confondu "autonomie financière" avec "autonomie salariale". Résultat : l’agence a trouvé une solution innovante pour limiter son impact écologique : ne plus payer ses employés.
Les grévistes ne demandent ni un safari de luxe ni des excursions à dos de lion. Non, leur revendication est beaucoup plus simple : recevoir ce qui leur est dû. Ces agents, affectés dans les recoins les plus reculés du pays, travaillent dans des conditions qui frisent l’indignité. Ils sont logés dans des structures précaires, sans équipement digne de ce nom, et souvent sans les ressources nécessaires pour mener à bien leur mission de préservation. Une situation qui, au lieu de protéger la faune et la flore, expose le personnel de l'ANPN à la faune... humaine : négligence, indifférence et, semble-t-il, une véritable crise de gestion.
L'ANPN, qui se veut l’une des fiertés de la gestion publique gabonaise, est supposée disposer de moyens financiers suffisants pour assurer la préservation de ses parcs. Mais la réalité semble bien différente. Si les fonds alloués à la conservation des espèces sont mystérieusement bien gérés, ceux destinés à rémunérer les employés semblent s’évaporer dans les méandres de la bureaucratie. On pourrait presque croire que les millions de dollars consacrés à la protection des espèces en voie de disparition ont trouvé refuge dans une autre espèce : le « lion de papier » qui dirige l'agence. Celui-ci rugit fort sur le papier mais se fait bien discret quand il s'agit de concrétiser des actions en faveur de son personnel.
Un futur incertain, mais la biodiversité toujours sous pression
Le Gabon, prétendant être un leader mondial en matière de conservation, se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale : les gardiens de ses parcs, censés protéger la faune et la flore, sont eux-mêmes en train de se transformer en espèces en voie de disparition… tout comme la confiance que l'État porte à ses propres institutions. Si cette crise perdure, les agents risquent de devenir une nouvelle attraction touristique, non pas pour leur expertise en conservation, mais pour leur capacité à survivre dans un environnement hostile, où la principale menace ne vient pas des braconniers, mais de ceux qui sont censés les soutenir.
Si le gouvernement ne prend pas rapidement des mesures concrètes pour résoudre cette crise, il faudra peut-être ajouter une nouvelle section dans les brochures touristiques du Gabon : "Voyagez au Gabon et observez de près les parcs nationaux… avant qu’ils ne soient vides de leurs gardiens."
Car une chose est sûre : sans une gestion saine et respectueuse du personnel de l'ANPN, même les éléphants finiront par abandonner la savane, préférant se réfugier dans les bureaux ministériels où l’herbe est plus verte… ou du moins, pas encore jaunie par l’oubli.
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