Le collectif des organisations de la société civile et des associations de la diaspora viennent de mettre en place une plate forme dénommée Front Gabonais contre l’endettement. Objectif de cette organisation dénoncer une dette odieuse qui ne profite pas au développement du pays et au bien être des populations. Lecture du manifeste.
Mesdames, Messieurs,
Les mouvements de la société civile gabonaise tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Gabon, réunis pour la circonstance, en responsabilité et résolument déterminés à tourner la page de l’imposture, viennent vous partager leurs inquiétudes sans cesse grandissantes face à la dégradation du climat social, économique et politique du Gabon.
Il est utile de vous rappeler qu’à l’issue des différentes élections présidentielles de 2009 et 2016, Ali Bongo Ondimba, dans un déni total de la volonté du Peuple souverain, s’est fait proclamer Président du Gabon au terme de massacres inédits de notre histoire politique.
Dans l’esprit de la Charte des Nations Unies, la démocratie est une composante essentielle du droit des peuples à l’auto-détermination. L’accord du G8 d’octobre 2001, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique, l’accord de l’Union Européenne, Lomé IV, du 15 décembre 1989 et d’autres instruments posent très clairement la conditionnalité démocratique comme condition essentielle pour toute coopération. Partie prenante à ces textes de référence en matière démocratique, le Gabon, du moins ses dirigeants, en privent du bénéfice le peuple gabonais, comme si de telles prescriptions constituent un luxe dont les gabonais n’ont nul besoin.
Le phénomène qui semble préparer le chaos du Gabon, outre le déni de démocratie et des droits humains, reste l’endettement injustifié de notre pays. En 10 ans, l’encours de la dette du Gabon a augmenté de 276% sans aucun résultat sur le développement et le bien-être des populations : 33,4% du taux de pauvreté, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, et 20% du taux de chômage pour un pays qui regorge de richesses, avec une population d’à peine 2 millions d’habitants. A la question de savoir à quoi sert l’endettement du Gabon, l’actuel Premier Ministre a répondu sur les ondes de TV5 que « le Gabon s’endette pour rembourser ses dettes ».
Comprenne qui pourra !
Notre collectif interpelle votre sens de responsabilité devant l’histoire et attire votre attention sur une situation qui pourrait engendrer des conflits demain.
En continuant de prêter de l’argent à ce gouvernement, vous savez très bien que vous traitez avec un pouvoir illégitime et que cet argent ne profite nullement à ses populations. De ce fait, la dette ainsi contractée est dite « odieuse » car, depuis 1927, avec Alexandre Nahum Sacck, Ministre de Nicolas II, il est admis que « si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et l’intérêt de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat tout en confortant sa fortune personnelle (…), cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier. » Ainsi, cette dette de régime qui n’engage nullement le Gabon ne saurait peser sur l’avenir de nos enfants, puisqu’il s’agit d’une dette qui n’engage que le pouvoir qui l’a contractée.
Deux illustrations parmi tant d’autres : en 2009, le Groupe de la Banque Africaine de Développement a accordé au Gabon un crédit inédit de 165 milliards de francs CFA pour bitumer l’essentiel du réseau routier national mais les Gabonais(es) sont étonnée d’apprendre, 10 ans plus tard, l’annonce d’un projet identique avec un simplement changement de dénomination, « la Transgabonaise », sans savoir ce qu’est devenu le premier ; en 2016, dans le cadre du « Programme d’Investissement dans le Secteur de l’Education (PISE », Le Gabon s’est endetté auprès de l’AFD pour la construction et la réfection de 500 salles de classe à hauteur de 101 milliards de FCFA. Outre le coût pharaonique du projet (202 millions de FCFA pour une salle de classe !), 4 ans plus tard, aucune salle de classe n’est livrée !
« Dans le contexte actuel d'augmentation de l'endettement des États, la transparence de la dette est devenue une question essentielle, et ce pour plusieurs raisons. En effet, les créanciers doivent évaluer précisément la viabilité de la dette de leurs emprunteurs potentiels, les citoyens doivent pouvoir demander des comptes aux gouvernements sur la dette qu'ils contractent et les emprunteurs doivent définir des stratégies fondées sur une perception claire du niveau et du profil coût/risque de la composition de leur dette ». Cette invitation à la transparence faite par Diego REVETTI, spécialiste de la dette à la Banque Mondiale, serait-elle un simple vœu pieux ?
Au lieu d’alimenter la dette odieuse, il serait plus utile, juste et responsable d’accompagner le Gabon dans ses soifs et aspirations profondes : plus de justice, de bonne gouvernance, une démocratie effective, dépouillée d’artifices cosmétiques liberticides et en porte-à-faux avec sa culture et ses valeurs.
En faisant le contraire, tous les créanciers du Gabon deviennent de ce fait complices de la spoliation dont sont victimes les Gabonais(es) depuis 60 ans. Ils hypothèquent l’avenir de notre nation et, partant, de nos enfants au profit des intérêts égoïstes et opprobres. Ils poussent ainsi les Gabonais(es) à la révolte ! Ils contribuent à l’enrichissement illicite d’un groupuscule qui s’accroche au pouvoir par la force en dépit de leurs désaveux cinglants au terme de chaque rendez-vous électoral.
Le Collectif soutient que le Gabon n’a pas besoin de ce type de prêts pour se développer. Ces prêts ne développent pas le pays, ils l’appauvrissent et l’endettent pour des générations. Ces prêts reviennent directement et frauduleusement dans vos propres caisses et dans les comptes familiaux des dirigeants du Gabon et alliés sans que le Gabon et ses populations n’en bénéficient.
En somme, le Front lance cette démarche pour :
En complément à tous ces précédents déjà bien documentés, dorénavant, les prêts en direction du Gabon doivent cesser et nous nous réservons le droit, le moment venu, de mener des actions judiciaires contre des institutions et individus complices de la prédation continue et éhontée du Gabon.
Nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, nos salutations humaines, citoyennes et fraternelles.
Pour le Front,
Je partage totalement cette analyse. Pourquoi les générations futures devraient elles rembourser une dette odieuse qui n’aura servi à la réalisation d’aucun projet de développement pour le pays? La disparition des lois de règlement de l’espace législatif du Gabon démontre à suffisance la volonté , d’échapper à tout contrôle que le peuple devrait exercer, par le biais de ses représentants au Parlement, sur l’exécution des budgets annuels par le pouvoir exécutif. À chaque fin d’exercice budgétaire, la loi de règlement est censée arrêter les montants définitifs des dépenses et des recettes de l’Etat. Elle ratifie les opérations réglementaires ayant affecté l’exécution du budget ; elle fixe le résultat budgétaire et décrit les opérations de trésorerie. À cet égard, la loi de règlement devrait permettre au peuple qui alimente le budget de l’Etat, en payant des impôts et taxes divers, d’être informé de l’etat de l’execution du budget annuel voté par le Parlement au nom du peuple. L’accroissement d’annee en année de la dette odieuse du Gabon peut effectivement être perçu comme participant d’une collusion d’interets entre ceux qui contractent les emprunts et les détournent de leurs objectifs, et les institutions qui accordent les prêts sans prendre la peine de vérifier que les sommes empruntées ont servi à l’execution des projets d’investissement ou de développement auxquels elles étaient destinées . Les institutions financières et monétaires nationales et internationales ne sauraient se réfugier derrière le principe de la souveraineté des États emprunteurs pour continuer à augmenter sans aucun contrôle l’encours de la dette de ces pays au détriment des intérêts et des aspirations légitimes de leurs populations. Sauf à croire que lesdites institutions n’ont pour seule préoccupation que d’enriichir ceux qui détournent les prêts consentis et que la bonne gouvernance, la démocratie et le développement des États est le cadet de leurs soucis.
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