Par un temps de brume politique, c’est un coup de clairon qui vient réveiller les consciences endormies. Persis Lionel Essono Ondo, vice-président, pompier volontaire et parfois même vigile nocturne du parti REAGIR, vient de claquer la porte avec fracas. Une sortie qui n’a rien du silence diplomatique : c’est une lettre au napalm que l’intéressé a laissée sur le pas de la maison politique qu’il a contribué à bâtir.
Lundi 15 avril, dans une déclaration trempée dans l’acide, le désormais ex-président par intérim du parti a dénoncé pêle-mêle : des « violations délibérées des statuts », une « dérive autoritaire » et un « simulacre de congrès » qui ferait rougir jusqu’aux dictateurs de quartier. En somme, une fête de famille transformée en coup d’État de salon, où le fauteuil du président ne se gagne plus au mérite ni au vote, mais à l’applaudimètre fermé.
REAGIR ou RÉAGRÉER ?
Le parti REAGIR censé incarner le renouveau, la transparence et l’éthique semble avoir subi une crise de croissance. Ou de conscience. Car selon Essono Ondo, le second congrès ordinaire n’a de « congrès » que le nom et de « démocratique » que le badge des huissiers.
Dans sa missive au vitriol, l’ancien chef de file par intérim accuse le sommet du parti d’avoir « désigné » un président au lieu de l’« élire ». Petite nuance ? Peut-être. Mais dans un parti qui se voulait modèle de démocratie interne, cela revient à confondre l’ascenseur républicain avec un monte-charge clientéliste.
Le pouvoir, c’est comme le gras : une fois qu’on y a goûté…
Mais au-delà des statuts malmenés et des votes fantômes, c’est une véritable philosophie du pouvoir qui est mise en cause. « La suppression de la limitation des mandats est une manœuvre digne des régimes que nous avons combattus », écrit l’ex-vice-président. Voilà qui sonne comme une ironie tragique : REAGIR, qui fustigeait hier les tripatouillages constitutionnels, aurait recyclé les recettes qu’il dénonçait, version micro-parti.
Pis encore, Persis Essono Ondo révèle être poursuivi pour « faux et usage de faux », pour avoir utilisé un cachet avec la mention « Président Intérimaire ». Une affaire rocambolesque digne d’un mauvais polar administratif, dans laquelle le héros n’a même pas volé un budget, juste apposé un tampon qu’on lui avait pourtant confié. Un crime de lèse-symbolique ?
Chronique d’un divorce annoncé
Ce départ annoncé, craint, redouté mais inéluctable a les allures d’un divorce brutal mais lucide. « Je ne serai pas le paillasson d’un groupuscule », assène Essono Ondo, en bon père de famille et homme d’honneur. Une phrase qui claque, comme une gifle politique adressée à ceux qui auraient transformé REAGIR en tapis de carrière. Le vice-président part, mais pas sans bagages : il emporte avec lui la légitimité morale, la mémoire du mouvement, et une certaine idée de l’engagement.
Un soutien maintenu à Oligui Nguema… pour combien de temps ?
Fait notable, l’homme ne tourne pas le dos à Brice Clotaire Oligui Nguema, qu’il continue de soutenir avec ferveur. Manière de dire : je ne quitte pas la barque de la Transition, seulement la chaloupe infestée d’ambitions personnelles. Mais dans une Transition qui se voulait inclusive, le départ d’un acteur de cette trempe n’est pas anodin. Il dit quelque chose de l’atmosphère du moment : les masques tombent, les alliances se fissurent, et la politique retrouve ses vieux démons.
Quand le renouveau ressemble à l’ancien monde
La trajectoire de REAGIR ressemble à s’y méprendre à celle de tant de partis nés dans la ferveur et morts dans la routine du pouvoir. Ce n’est pas une surprise, c’est une malédiction républicaine. Ce qui devait incarner la rupture a, trop vite, adopté les codes de l’entre-soi. Ce qui devait faire bouger les lignes, les a juste redessinées à son avantage.
Persis Lionel Essono Ondo, en lançant ce pavé dans la mare, nous rappelle que les partis politiques ne sont pas des propriétés privées. Et que dans un pays où la Transition devait être celle de la refondation, il faudra plus qu’un vernis pour faire oublier les pratiques du passé. Pour l’heure, REAGIR réagit peu. Peut-être parce que l’onde de choc est encore en train de se propager. Ou peut-être parce que, dans les couloirs du pouvoir, on préfère le silence à l’aveu.
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