(*) Par Thérence Gnembou Moutsona, Président du Parti du Réveil Citoyen (PRC), le 28 février 2023
Pour tous les Gabonais et Gabonaises qui avaient placé leurs espoirs dans la concertation politique pour faire bouger les lignes, ce mois de février 2023 restera dans les mémoires comme celui d'un rendez-vous manqué : rendez-vous manqué entre le Gabon et la transparence, rendez-vous manqué entre le Gabon et la possibilité d’élections crédibles, rendez-vous manqué entre le Gabon et une démocratie apaisée. De fait, non seulement cette concertation n’aura débouché sur aucune amélioration de notre système électoral, mais pire elle symbolise et conforte toutes les faiblesses de notre démocratie.
L'enjeu de cette concertation, demandée par l'opposition au nom de tous les Gabonais et Gabonaises, était considérable : il s’agissait d'éviter que ne se reproduise le cauchemar de la dernière présidentielle, aux résultats contestables et contestés, résultant en des affrontements, des emprisonnements et même des morts. Pour tous les Gabonais et Gabonaises meurtris par ces événements terribles qui ont à jamais marqué l’histoire de notre pays, la concertation visait à promouvoir la transparence électorale pour garantir la vérité des urnes. Notre volonté était de pouvoir enfin tourner la page dramatique de la dernière élection présidentielle avec son cortège de violences pour ouvrir une nouvelle page de notre histoire placée sous l'égide de la concorde et de l'apaisement.
Aussi, bien qu’échaudée par l'épisode du Centre gabonais des élections (CGE), qui a vu le ministre de l’Intérieur désigner lui-même les membres de l'opposition de la commission ad hoc et du collège spécial qui devaient y siéger alors qu’aucune loi ne lui en donne le droit, les opposants ont répondu présents au rendez-vous de la concertation politique sur la transparence électorale proposée à leur demande par le Président de la République. Ils ont répondu présents pour découvrir qu'une fois encore les dés avaient été pipés, avec une fois encore une représentation biaisée de l’opposition orchestrée par le gouvernement pour diviser cette dernière. Dans ce contexte, plusieurs d’entre nous ont fait le choix de se retirer de cette pseudo-concertation, mais le gouvernement, faisant fi de nos protestations, a pris le parti de poursuivre cette mascarade avec les opposants restés malgré tout, probablement par naïveté, ou peut-être par résignation, voire pour certains par intérêt.
Et ce qui devait arriver arriva : la transparence électorale, qui devait occuper le centre des débats, aura finalement été la grande absente des échanges lors de cette concertation. Des propositions avaient pourtant été formalisées par l’opposition dans le cadre d’un mémorandum dûment transmis au gouvernement et à la Cour constitutionnelle il y a quelques mois. Des mesures simples et de bon sens, inspirées de pratiques universelles, dont la mise en oeuvre aurait dû aller sans dire. Mais de toutes ces mesures, pas une n'a été retenue, pas une n’a été adoptée, pas une ne va être mise en oeuvre. À peine certaines ont-elles été abordées pour être aussitôt repoussées aux calendes grecques, au bon vouloir d’un énième comité de suivi. C’est le cas du redécoupage électoral et de la biométrisation du process électoral, qui aurait garanti une parfaite traçabilité des résultats. Raison invoquée pour ce report sine die : la technicité de la mesure et le délai trop court pour la mettre en place d’ici la prochaine élection. Un argument qui curieusement n’aura valu que pour les propositions de l’opposition mais pas pour celles du gouvernement.
Car si ce dernier semblait peu inspiré sur la transparence, ça n’était pas le cas sur d’autres sujets. Lors de cette soi-disant concertation, les échanges orchestrés par le gouvernement auront été curieusement aiguillés sur de toute autres questions, institutionnelles notamment, qui n’auraient jamais dû trouver place dans un forum qui se voulait exclusivement électoral. Résultat, des décisions ont été prises, à rebours des objectifs fixés, décisions qui auront pour effet de conforter et perpétuer le pouvoir en place.
A commencer par la décision de maintenir la non limitation des mandats. Qui plus que le PDG, à la tête du Gabon depuis maintenant 56 ans, pourrait avoir davantage intérêt à mettre en place les conditions d’une potentielle perpétuation du pouvoir ?
Que dire de la surprenante décision de revenir au suffrage à un tour, alors que le passage au scrutin à deux tours avait été, il n’y a pas si longtemps, unanimement salué comme une avancée démocratique notable ? Ce retour au suffrage à un tour est particulièrement dommageable pour les élections présidentielles, législatives et locales, et aura pour corollaire des vainqueurs mal élus, avec des majorités relatives. Mais il n’échappera à personne, au regard des très faibles taux de participation aux différents scrutins (50% pour la présidentielle en 2016 et 18% pour les législatives en 2018), que les problèmes de représentativité aux élections ne semblent pas un sujet de préoccupation pour les autorités.
De même, l'on comprend difficilement comment réduire le délai d'inscription sur les listes électorales de 45 à 30 jours, pourrait servir la cause de la transparence et de la démocratie. Il est en revanche facile de comprendre en quoi cette mesure sert les intérêts du pouvoir en place en empêchant un enrôlement massif de la jeunesse gabonaise qui certainement sera la plus encline à tourner une page de son histoire et encourager le renouveau de ses porte-paroles politiques.
En effet, comment matériellement réussir en un mois à faire inscrire nos 300.000 jeunes en âge de voter en 2023 lorsque l’on sait notre pays si enclavé ?
La décision de faire nommer les sénateurs de l'opposition par le Président de la République ne manquera pas non plus de laisser perplexe : comment ne pas constater un vrai recul démocratique dans toutes ces mesures visant le renforcement du régime en place au mépris de toute ambition de concorde, de transparence et de crédibilité ? Tristement, la majorité avec la complicité d’une partie de l’opposition, aura refusé l'opportunité qui lui était donnée d'être à l'origine d’une nouvelle ère pour notre pays.
Avec cette parodie de concertation, le régime aura fait coup double. Car non seulement il s’offre une chance accrue de l’emporter lors de la prochaine élection présidentielle avec des mesures ad hoc, mais de surcroît il offre à la communauté internationale, suivant l’actualité gabonaise à distance, l’illusion d’un débat démocratique effectif et d’un consensus politique réel.
Au terme de ce nouvel épisode malheureux de notre histoire, le régime peut se féliciter d’avoir réussi, servi par une opposition naïvement consentante, le tour de force d’avoir oblitéré totalement la question de la transparence électorale et de s’être offert la possibilité de remporter un nouveau mandat présidentiel pour dépasser soixante années de règne sans partage sur notre malheureux pays, ce malgré le divorce d’une partie croissante de la population.
Reste pourtant une faille, et non des moindres, dans cette pantalonnade savamment orchestrée : car s’agissant de garantir des élections aux lendemains apaisées, notre peuple peut être imprévisible et là, le pouvoir n’est pas maître de son destin.
Cet éclairage Monsieur le Président,nous permett comprendre clairement les objectifs du "gouvernement". Cependant n'y a t'il pas un non dit, s'agissant de la transition évoquée par certaine opposition dans des interviews ?
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