À Nzeng-Ayong ce matin, Raymond Ndong Sima n’a pas seulement tenu un point de presse : il a signé un acte d’accusation contre l’amnésie politique, l’arrogance de certains dignitaires de la Transition et surtout, contre ce système électoral gabonais qui semble indestructible, tant il renaît de ses fraudes comme le phénix de ses cendres.
Face aux propos du vice-président Séraphin Moundounga accusant l’Alliance Patriotique d’avoir présenté des candidats « uniquement dans une province » l’ancien Premier ministre a sorti l’artillerie lourde. Pour lui, ces déclarations ne sont pas seulement fausses, elles sont « réductrices et malveillantes », révélant l’obsession de certains nouveaux barons de minimiser toute force qui ne chante pas dans la chorale officielle.
Car enfin, si Ndong Sima n’avait investi que dans le Woleu-Ntem, pourquoi ses candidats ont-ils affronté les électeurs jusqu’à Tchibanga, la ville natale de Moundounga lui-même ? Le vice-président aurait dû se renseigner avant de tirer au risque de se retrouver, comme c’est le cas, désarmé par les faits.
Mais la vraie gifle, Ndong Sima l’a donnée sur un autre terrain : celui de l’histoire récente. Rappelant sa présence « en première ligne » lors des événements de 2023, il a comparé son sacrifice à l’attitude fuyante de Moundounga : « Pendant que je parcourais le pays, lui se prélassait à l’étranger, je ne sais avec quel argent », a-t-il lancé. Traduction satirique : l’un affrontait la tempête, l’autre faisait du tourisme militant avec escale prolongée.
Et c’est là toute la force de cette réplique : replacer le débat dans le temps long. Car le problème n’est pas seulement Moundounga. Le problème, c’est cette facilité avec laquelle certains exilés d’hier deviennent aujourd’hui donneurs de leçons, comme si leur absence aux heures sombres devenait subitement une preuve de sagesse. Or, en politique, l’absence au front se paie.
Mais Ndong Sima ne s’est pas contenté d’un duel personnel. En vieux routier, il a élargi son propos à ce qui brûle les lèvres des Gabonais : les législatives et locales de septembre 2025. Et là, le ton s’est fait glaçant : bureaux de vote trustés par des affidés, procurations utilisées comme des bons de caisse, électeurs convoyés en bus comme du bétail électoral, listes truffées de morts ressuscités pour l’occasion… Bref, une démocratie au rabais.
Sa formule est terrible : « Le pays n’a pas changé de logiciel. » Et comment ne pas voir la justesse de ce diagnostic ? Depuis Omar Bongo, jusqu’à Ali, et désormais sous la Transition, le logiciel de gestion électorale reste le même : tripatouillage par défaut, fraude par habitude, légitimité par décret. En somme, un État qui confond l’urne avec une boîte magique où l’on tire le résultat voulu.
Et Ndong Sima pose la question qui tue : « La fraude électorale, inacceptable hier, le serait-elle devenue aujourd’hui ? » Une interrogation qui vise directement le président de la République. Car il y a un non-dit lourd : si le nouveau pouvoir cautionne les vieilles pratiques, alors la Transition n’était qu’un relooking cosmétique du PDGisme électoral.
La vérité, c’est que cette passe d’armes entre Ndong Sima et Moundounga révèle bien plus qu’un simple ego-trip. Elle expose les fractures d’une Transition qui prétend au renouveau mais recycle les vieilles méthodes. Elle met à nu l’obsession de certains dignitaires pour le discrédit des opposants, au lieu de répondre aux vraies préoccupations : comment réconcilier les Gabonais avec leur bulletin de vote ?
Et si satire il y a, elle se loge dans cette ironie cruelle : ce sont toujours les mêmes débats, les mêmes accusations, les mêmes fraudes. La seule nouveauté, c’est le décor. Comme dit un proverbe africain : « On peut changer de tambour, mais si c’est toujours le même danseur, la musique ne changera pas. »
Alors, Ndong Sima – Moundounga ? Un combat d’ego, certes. Mais surtout le miroir d’un pays où les héros autoproclamés d’hier, les exilés de confort et les résistants fatigués s’arrachent encore la légitimité, pendant que la fraude, elle, reste fidèle au poste.
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