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Procurations et bétail électoral : Quand Immongault feint de découvrir la fraude

IMG Le ministre de l’Intérieur, Hermann Immongault.

À croire qu’il sort d’un long sommeil, le ministre de l’Intérieur, Hermann Immongault, s’est réveillé avec une soudaine illumination : au Gabon, les élections sont truffées de fraudes. Quelle révélation ! Dans une circulaire adressée aux Commissions locales, le gardien de l’orthodoxie électorale s’est indigné du « recours abusif » aux procurations, de la circulation clandestine des carnets, du bourrage d’urnes par des mains bien huilées et du transport de « bétail électoral » d’une circonscription à l’autre. Comme si tout cela n’était pas déjà inscrit dans le logiciel politique du pays depuis plus de cinquante ans.

 

La prose ministérielle a pourtant des accents martiaux : « Aucun électeur ne peut être porteur de plus d’une procuration », rappelle Immongault, comme s’il énonçait une vérité nouvelle. Mais dans la réalité, certains électeurs sont devenus de véritables « porteurs d’eau démocratique », trimballant des dizaines de voix dans leurs poches, au service d’un camp ou d’un candidat.

 

Et lorsqu’il menace de sanctions, on peine à y croire. L’article 333 du Code électoral promet bien la prison et des amendes salées de 500 000 à 5 millions de francs CFA. Mais dans l’histoire électorale gabonaise, combien de fraudeurs ont été condamnés ? Zéro. La fraude, au Gabon, n’est pas une infraction, c’est un héritage politique, une sorte de droit coutumier.

 

Le plus cocasse est ailleurs : Immongault promet d’écarter tout fraudeur appartenant à la chaîne électorale. Traduction : des présidents de bureaux de vote aux scrutateurs, en passant par certains fonctionnaires zélés, il faudrait faire place nette. Autrement dit, si le ministre appliquait réellement sa menace, il ne resterait plus grand monde dans les bureaux de vote le 11 octobre.

 

Au fond, cette circulaire ressemble à une opération de communication : donner l’illusion que l’État veut moraliser le jeu électoral, tout en sachant que les vieilles habitudes ne meurent jamais. Car le transport d’électeurs comme du bétail, les urnes « nourries » à coups de bulletins surnuméraires, et les procurations distribuées comme des bonbons restent les piliers d’une « démocratie tropicale » qui n’a jamais réussi à s’émanciper de ses réflexes autoritaires.

 

En somme, Immongault joue les gendarmes d’une République qu’il connaît pourtant par cœur. Mais son indignation tardive sonne comme une farce. À force de feindre la surprise devant des pratiques ancestrales, le ministre ressemble à un pêcheur qui, chaque matin, prétend être choqué de trouver des poissons dans l’eau. Le vrai enjeu n’est donc pas de publier des circulaires indignées, mais d’assumer ce que tout le monde sait : sans fraudes, les élections au Gabon ne seraient pas vraiment… gabonaises.

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