Il était une fois un pays frappé par une pandémie mondiale. Comme tous les autres, il a paniqué, confiné, communiqué, puis... encaissé. Au Gabon, l’État a mobilisé ou plutôt annoncé avoir mobilisé plus de 503 milliards de francs CFA pour lutter contre le Covid-19. Une somme titanesque, à la hauteur des ambitions sanitaires du moment : sauver des vies, acheter des masques, construire des centres, vacciner la population. Enfin, sur le papier.
Trois ans plus tard, le peuple a eu droit à des confinements, à des couvre-feux, à des arrestations pour "non-port de masque", et à des campagnes de dépistage improvisées dans des tentes qui prenaient l’eau. Mais de ces 503 milliards, il ne reste qu’un parfum entêtant de scandale, quelques rapports jamais publiés, et un silence budgétaire plus épais que le brouillard de la Ngounié.
Pendant ce temps, les gestionnaires de crise roulent encore en grosses cylindrées, sourient aux mariages officiels, et évitent toute interview trop curieuse. On appelle ça la distanciation sociale avec la justice.
C’est dans ce contexte que Geoffroy Foumboula Libeka Makosso, activiste aussi tenace qu’un virus sans vaccin, continue de réclamer des comptes. À lui seul, il a plus secoué le cocotier que tous les députés réunis. En 2025, il dépose à nouveau des audits, des preuves, des courriers, des cris tout ce que la République aime enterrer sous le tapis de la procédure.
Et là, miracle : la Cour des comptes réagit. Une enquête s’ouvre. C’est Noël avant l’heure. Mieux : un rendez-vous est pris avec le procureur de la République le 4 juin 2025. On espère qu’il viendra sans se perdre dans les couloirs du tribunal.
Les documents remis par le Copil Citoyen sont clairs : dépenses sans justificatif, surfacturations dignes d’un film de Scorsese, services facturés mais jamais livrés. Il ne manque plus que la mention "Merci de votre générosité" à la fin des bons de commande. Deloitte, cabinet d’audit mandaté par l’État lui-même, confirme les dérives. Mais l’État, lui, fait mine de découvrir le pot aux roses. En public seulement.
La vraie question n’est pas "où est passé l’argent ?" mais plutôt : jusqu’où ira la mascarade ? La justice gabonaise, souvent plus rapide pour condamner un voleur de mangues qu’un détourneur de milliards, est désormais attendue au tournant. Et pour une fois, le peuple regarde, prend des notes, et pourrait même sortir les casseroles mais pas pour cuisiner.
Car la situation n’est plus tenable. Le Sénégal a mis des ministres en prison pour moins que ça. Le Gabon, lui, semble coincé entre amnésie administrative et allergie à la vérité. La transition politique post-Bongo promettait un "nouveau départ" : ce dossier sera le thermomètre de sa sincérité. Et jusqu’ici, la température est glaciale.
Le peuple gabonais ne veut pas de commissions, de comités, ni de conférences de presse. Il veut des condamnations, des remboursements, et des excuses. Pas celles qui viennent en PDF, mais celles qui s’accompagnent de bracelets électroniques et de cellules bien ventilées.
Si la justice ne se lève pas cette fois-ci, alors il faudra admettre que les milliards ont bien été investis : dans l’oubli, l’impunité et l’art de l’esquive politique. Et qu’au Gabon, la seule chose vraiment immunisée contre le Covid... c’est la corruption.
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