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Politique

La déroute judiciaire de Persis Essono Ondo : une affaire à rebondissements et à rebuffades

IMG Persis Essono Ondo ( à gauche ) et François Ndong Obiang ( à droite ).

Le feuilleton politique du Gabon vient de s'étoffer d'un nouveau chapitre, aussi digne d’un thriller judiciaire que d’une satire politique. Persis Essono Ondo, ancien président par intérim du parti Réappropriation du Gabon, de son Indépendance pour sa Reconstruction (Réagir), a essuyé un revers embarrassant devant le tribunal, le 11 décembre 2024. Débouté de sa demande en référé contre plusieurs membres du directoire de son propre parti, il semble que la politique interne de Réagir ait pris une tournure qui frôle la comédie, ou du moins la tragédie politique, tant les décisions prises semblent un contre-sens absolu dans ce que l’on pourrait qualifier de grand bazar institutionnel.

 

L’histoire est pourtant simple à suivre : après un référendum constitutionnel controversé et un enchevêtrement d’allégations de violations des statuts internes du parti, Persis Essono Ondo, fort de sa nomination à la tête du parti après la mise à l’écart de François Ndong Obiang, a cru pouvoir saisir la justice pour régler ses comptes avec certains membres du directoire, notamment Jean Valentin Leyama, Jerry Pambo et Guy-Roger Aurat Reteno. Mais contre toute attente, il se retrouve aujourd’hui face à une décision de justice sans appel : "irrecevable en sa demande". Un coup de maître pour ceux qui, au sein de Réagir, voient dans cette histoire une démonstration éclatante des effets pervers d’une gestion partisane désorganisée.

 

Le retour à la case départ

Avant de plonger dans les méandres judiciaires, il faut rappeler le contexte qui a conduit à ce fiasco. En novembre dernier, Persis Essono Ondo et François Ndong Obiang ont été exclus du parti, accusés d’avoir violé les statuts du mouvement. En tête des accusations, une gestion autoritaire et des prises de décisions sans consultation préalable, comme le soutien public au "Oui" lors du référendum constitutionnel, et la nomination de Persis Essono Ondo sans respecter les processus statutaires. De quoi remettre en question la légitimité de la succession interne. Mais si ces reproches peuvent sembler légitimes au regard des normes du parti, il est difficile de ne pas voir dans cette affaire un simple règlement de comptes interne, où les ambitions personnelles prennent largement le pas sur les principes fondateurs du mouvement.

 

Les choses se sont encore compliquées lorsque, malgré la révocation de sa nomination, Persis Essono Ondo a continué à se prévaloir de son statut de président par intérim et a tenté de remettre de l'ordre dans ce qui semble être un véritable champ de bataille politique. Convaincu de pouvoir rectifier cette "injustice", il a saisi la justice pour ordonner la cessation des troubles causés par ses anciens alliés, en demandant notamment la remise des clés du siège national du parti. Un coup d’éclat, mais malvenu.

 

Une mauvaise interprétation des statuts du parti

L’issue de cette affaire démontre non seulement une certaine naïveté politique, mais aussi une méconnaissance manifeste des règles du jeu. En effet, l’article 45 des statuts du parti Réagir, que Persis Essono Ondo semble avoir ignoré, stipule clairement qu'aucun militant ou responsable ne peut saisir la justice avant d’avoir fait appel au Commissariat général à l’éthique et à la discipline. Une étape cruciale pour résoudre les conflits internes, mais que l'ex-président par intérim a semble-t-il évité, sans doute par excès de confiance en ses droits politiques et en ses capacités à influencer la situation.

 

La décision du tribunal, qui a jugé sa demande irrecevable, s’appuie ainsi sur un argument de fond : aucune démarche judiciaire ne peut être envisagée sans d'abord passer par les canaux internes du parti. Un principe de bonne gestion interne qui, loin de servir à justifier une tentative de restauration personnelle, semble plutôt servir de piédestal à ceux qui défendent l'ordre et la discipline au sein du mouvement. Mais qui a vraiment intérêt à ce que les principes l'emportent sur les ambitions individuelles ? La réponse, évidemment, se trouve dans les couloirs de Réagir, où l’affrontement de personnalités et de visions politiques a transformé cette crise interne en un véritable feuilleton médiatique.

 

Une comédie tragique pour le parti et le Gabon

Ce n’est pas la première fois que des affaires internes de partis politiques du Gabon, en particulier ceux liés à la mouvance de l’opposition, prennent des allures de tragédie à petit budget. Après tout, comment croire en la capacité de ces formations à incarner une alternative crédible pour le pays lorsque leurs responsables se vautrent dans des querelles internes dignes de la cour du roi Pétaud ? Si les partis politiques sont censés incarner la rigueur et l’ordre, force est de constater que Réagir semble avoir trouvé une nouvelle définition de la confusion.

 

L’affaire Essono Ondo est, en fin de compte, un miroir grossissant des dysfonctionnements qui gangrènent la politique gabonaise. Si l’on peut se réjouir de la décision de justice, qui envoie un message clair sur la primauté des statuts et du droit interne, on ne peut s’empêcher de se demander si ce genre de dérive n'est pas symptomatique de la vacuité d'un débat politique figé et fragmenté, où l’ambition personnelle prime sur l’intérêt collectif.

 

L’épisode judiciaire de Persis Essono Ondo est à la fois un échec personnel et un signal fort de la désorganisation qui frappe la politique gabonaise. Pour le bien du Gabon et de ses citoyens, il serait peut-être temps que les acteurs politiques laissent de côté leurs querelles internes et se préoccupent enfin de l’intérêt général, plutôt que de chercher à régler leurs comptes dans les prétoires. Mais en attendant, ce genre de spectacles ne fera qu'ajouter à la confusion déjà bien présente.

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