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Culture

Décès de « Oncle Didine » : que vaut la gloire dans un pays qui méprise ses artistes ?

IMG Oncle Didine n'est plus.

Adrien James Prince de Capistran, connu sous le pseudonyme d’Oncle Didine, s’en est allé ce dimanche 5 janvier 2025. L’homme, pilier incontesté de la culture gabonaise, laisse derrière lui une œuvre impressionnante, 29 films, trois séries cultes et des générations marquées par son talent. Mais il laisse surtout une question dérangeante : que vaut la gloire dans un pays qui méprise ses artistes ?

 

Quand le silence tue plus que la maladie

Dans ses dernières interviews, Oncle Didine n’a pas mâché ses mots : il se sentait abandonné, invisible aux yeux d’un État pourtant si prompt à vanter le rayonnement culturel du Gabon lors des grandes conférences internationales. « Ici, on célèbre les artistes quand ils meurent, pas quand ils créent », avait-il lancé avec amertume. Ces mots, prophétiques, résonnent cruellement aujourd’hui.

 

Malade et diminué, Prince de Capistran a passé ses dernières années à lutter dans l’indifférence générale, sans aide ni reconnaissance officielle. Pourtant, dès l’annonce de son décès, les hommages ont afflué de toutes parts : ministres, députés et institutions rivalisent de superlatifs pour décrire l’homme qu’ils ont collectivement ignoré.

 

Des hommages à deux visages

L’hypocrisie est palpable. L’État, incapable de lui accorder la moindre distinction honorifique de son vivant, s’apprête probablement à lui offrir des funérailles nationales. Une absurdité qui illustre à merveille le mépris latent pour les artistes : on les ignore quand ils respirent et on les sacralise quand ils cessent de le faire. Ces gesticulations posthumes ne sont que des exercices de communication, destinés à masquer un échec flagrant : celui de bâtir une politique culturelle digne de ce nom.

 

L’artiste, un pion sacrifiable

Le Gabon, pourtant riche de ses traditions, de sa créativité et de ses talents, a choisi de reléguer la culture au second plan. Les artistes sont perçus comme des amuseurs publics, bons à distraire la galerie, mais rarement considérés comme des acteurs stratégiques du développement. Résultat : des figures comme Oncle Didine finissent par s’épuiser dans un système qui ne les soutient pas.

 

Et que dire des infrastructures ? Combien de salles de cinéma dignes de ce nom dans le pays ? Combien de fonds dédiés à la production cinématographique locale ? Combien d’artistes disposent d’une sécurité sociale ? Les réponses sont consternantes, et ce vide institutionnel trahit un manque de vision flagrante.

Un miroir pour une société insensible

Au-delà de l’État, c’est toute la société gabonaise qui devrait s’interroger. Nous sommes les premiers à consommer ces œuvres, à applaudir ces talents, mais également les premiers à détourner le regard lorsqu’ils appellent à l’aide. Notre admiration est bruyante, mais éphémère. En cela, nous sommes complices de cet abandon collectif.

 

Ne pleurez pas, agissez

Le décès d’Oncle Didine est une tragédie, mais il est surtout un signal d’alarme. Si rien ne change, d’autres talents connaîtront le même sort : applaudis dans la lumière, oubliés dans l’ombre. L’urgence est de mettre en place une vraie politique culturelle : reconnaissance des artistes de leur vivant, fonds de soutien pour les créateurs, infrastructures adaptées, et surtout, un changement de regard sur leur rôle dans notre société.

 

Alors, au lieu de pleurer des larmes de crocodile sur le cercueil d’Oncle Didine, posons-nous cette question essentielle : que faisons-nous réellement pour que nos artistes vivent dignement ? Car si la République oublie ses bâtisseurs culturels, elle finira, un jour, par perdre son âme.

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