Me Jean Paul Moumbémbé avocat de Patrick Yenou.
Au Gabon, il y a les citoyens ordinaires, cloués par les contrôles et les procédures, et puis il y a les scellés judiciaires, qui circulent librement, sans visa, sans escorte et sans procès-verbal. Dans l’affaire Patrick Yenou, 100 millions de FCFA, pourtant censés dormir sous clé au nom de la loi, ont préféré mener une vie active : sortie des locaux du B2, escale dans un bureau officiel, puis villégiature au domicile privé d’une haute magistrate. Du jamais-vu, même pour un pays habitué aux tours de passe-passe budgétaires.
Dernière trouvaille pour calmer la colère populaire : on a révoqué le chef provincial du B2 à Port-Gentil. Une tête est tombée. Applaudissements polis. Rideau. Circulez, il n’y a (presque) rien à voir. Sauf que dans cette comédie judiciaire, le problème n’est pas le figurant, mais le scénario.
Le B2 découvre la morale… après coup
La Direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire (DGCISM) a voulu frapper fort. Enfin, frapper… disons tapoter avec un marteau en mousse. Car pendant qu’on démet un lieutenant, les 100 millions, eux, continuent de jouer à cache-cache avec la justice.
On nous explique qu’il s’agit d’un “manquement”. Charmant euphémisme. À ce stade, ce n’est plus un manquement, c’est une gymnastique procédurale olympique, un scellé judiciaire qui quitte un service de sécurité, sans traçabilité claire, pour finir chez une procureure générale, comme on déposerait un sac de riz chez une tante. Si c’est cela la procédure, il faudra penser à la publier au Journal officiel : “Comment déplacer un scellé sans laisser de traces guide pratique.” Une justice très forte sur les symboles, très faible sur les comptes.
La révocation du chef du B2 est présentée comme une preuve de fermeté. En réalité, elle ressemble surtout à une offrande rituelle à l’opinion publique, pendant que l’essentiel reste soigneusement évité. Qui a ordonné ? Qui savait ? Qui a couvert ? Et surtout : où est l’argent ? Car, rappelons-le, 100 millions de FCFA ne disparaissent pas par erreur, encore moins quand ils sont officiellement consignés. Ce genre de somme ne se volatilise pas : elle change simplement de mains, souvent très bien identifiées… quand on accepte de les identifier.
Me Moumbémbé, ou l’insolence de poser les vraies questions
L’avocat de la partie civile, Me Jean-Paul Moumbémbé, commet une faute grave dans ce dossier : il insiste. Il réclame la restitution intégrale des fonds et ose demander comment un scellé judiciaire a pu se transformer en bien meuble circulant. Une attitude presque subversive dans un système où l’on préfère régler les scandales par mutation, révocation ou silence radio. À force de questions, il risque même de rappeler une évidence dérangeante, la justice n’est pas un coffre personnel et un scellé n’est pas un prêt à domicile.
Un État qui promet la rupture, mais ménage ses habitudes. L’affaire Patrick Yenou est vendue comme un test de rupture avec l’impunité. Pour l’instant, c’est surtout un test de communication réussie et de courage institutionnel différé. On sanctionne à la périphérie, on évite le cœur, et on espère que le temps fera le reste.
Le ministère de la Justice, l’Inspection générale des services judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature sont annoncés comme “saisis”. Très bien. Encore faudra-t-il qu’ils le soient autrement que par des communiqués et des silences prolongés.
Conclusion provisoire d’un scandale très organisé
Dans l’affaire Patrick Yenou un officier est tombé, la morale a été invoquée, la communication a été assurée, mais les 100 millions, eux, sont toujours portés disparus. Comme dit l’adage. « Quand l’argent marche plus vite que la justice, ce n’est plus une enquête, c’est une promenade. » Et au rythme actuel, ce dossier risque surtout de finir classer… pendant que les scellés continueront de voyager.
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