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Politique

(Tribune) Concertation politique : « Ils sont partis pour régler un problème précis. Ils en sont sortis avec des réponses complètement hors sujet, mais heureux. »

IMG Ali Bongo et Akure Davain, lors de la cérémonie d'ouverture de la Concertation.

(*) Par Hyacinthe Marcel M'ba Allogho

 

Pour rien ? Pas tant que ça…

La ʺconcussion politiqueʺ nationale s’est achevée. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a atteint et même dépassé les espérances d’une population qui ne lui trouvait aucune utilité autre qu’un rassemblement pour la forme, pour donner la fausse impression qu’au Gabon, l’opposition et le pouvoir peuvent se parler. Elle était censée se terminer sur un engagement signé et consigné en lois applicables de suite, et sceller que les lendemains électoraux ne seraient plus baignés de sang, que l’armée officielle et les milices privées à la solde du pouvoir ne pourchasseraient plus jamais les contestataires des résultats dans les quartiers pour les abattre, qu’aucun quartier général de campagne ne serait plus jamais bombardé, que le ministère de l’Intérieur ne serait plus jamais à la manœuvre dans chacune des étapes du processus jusqu’au calcul des résultats et même jusqu’à leur rectification, que les décédés, les bébés et les fœtus ne voteraient plus jamais et de manière honteusement unanime dans aucune province du pays utilisée en variable d’ajustement comme ce fut le cas en 2016, que le CGE serait bien dirigé par un homme neutre et propre, que le même CGE intègrerait une opposition véritablement représentative et non des partis proches du pouvoir affectés dans l’opposition pour créer une unanimité factice, que les militaires ne rentreront plus jamais en armes dans les bureaux de vote brutaliser les électeurs ni enlever les scrutateurs et les urnes. Rien de tout ceci n’a été effleuré.

 

Le rapport de leurs dix jours de discussions nous sert de manière surprenante des préoccupations aux antipodes de la sécurisation des votes, du respect et de l’acceptation par tous des résultats sortis des urnes et de la préservation de la paix sociale après le scrutin. Comme si les tueries post électorales de 2009 et 2016 étaient causées par la possibilité d’une élection à deux tours, par la durée des mandats électifs, par la lourdeur de la caution à payer pour être candidat, par l’âge d’accès à un mandat de parlementaire ou de président de la République, ou encore parce que parmi les sénateurs que le chef de l’Etat a la latitude de nommer ne figuraient pas les membres de l’opposition. En clair, ils sont partis pour régler un problème précis. Ils en sont sortis avec des réponses complètement hors sujet, mais heureux.

 

Comment pouvait-il d’ailleurs en être autrement ? Cette concertation, contrairement à ce que répètent par erreur volontaire les médias d’Etat, est une initiative de la présidente de l’Union Nationale qui, répondant à une demande de la Cour Constitutionnelle a compilé les solutions aux dérives et entorses aux règles qu’elle subit systématiquement à chacune des consultations électorales à laquelle elle participe. Solidaires, le Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM), Les Démocrates (LD), le Rassemblement Pour le Gabon (RPG) la rejoignent. Au bout de plusieurs semaines de travail, ils consignent ensemble des propositions de pacification des scrutins dans un mémorandum par la suite remis à la Cour Constitutionnelle et au ministre de l’Intérieur.

 

 Même si deux des initiateurs de la démarche ont flairé l’embrouille et se sont retirés d’un conclave dont ils pressentaient l’inutilité dès sa mise en route, le gouvernement avait tout de même une solide base de travail qu’il pouvait utiliser en toute bonne foi pour assainir le climat électoral comme le proclamait le thème de la concertation. Il ne l’a pas fait. Et dans un pays où les leaders politiques agissent en fonction des intérêts du peuple, ce même gouvernement qui est venu aux discussions sans ordre du jour ni programme de travail aurait pu être poussé vers la sécurisation des votes par une opposition vigoureuse, rigoureuse et avide de clarté dans les élections.

 

Malheureusement dans la salle, la large majorité des partis estampillés de l’opposition ne participe à aucune élection. Ce qui ne crée pour eux aucun intérêt ni réel ni vital sur la question en discussion. Certains n’ont aucun siège connu et tiennent leurs congrès tous les jours à table avec l’épouse comme Secrétaire Générale et les enfants comme militants. Dans leur large majorité encore, ils ne doivent leur existence comme partis politiques qu’au ministère de l’Intérieur qui leur a accordé des quitus et qui reste très peu regardant sur le suivi de leurs inexistantes activités de terrain. Certes, il y avait LD, la deuxième force parlementaire du pays et tout légitimement co-président des assises. Tout le monde comprendra aisément que dans la situation que traverse son président, ce parti n’a aucun intérêt à rudoyer le gouvernement et s’ouvrir le champ d’une complication. C’est cette position de grande fragilité qui a probablement conduit son vice-président à tenir en photocopie de ceux du gouvernement, des propos fortement discourtois envers les partis qui ont claqué la porte de la réunion, ses amis d’hier pourtant.

 

Cette rencontre de dix jours, dispendieuse à souhait pour le contribuable, aura-t-elle finalement été inutile ? Bien au contraire ! A partir du moment où les scrutins seront organisés dans la même forme de truquage, de tricherie et de violences que les précédentes connues, la non limitation des mandats fait gagner à Ali Bongo ce qu’il perd avec le rejet de l’élection du président par un parlement de godillots qui a comme il le dit lui-même, la mission de renforcer et de prolonger son action par le vote de la loi.

 

L’autre gain, il l’a eu dès l’ouverture de la concertation. Il lui fallait des images à double exploitation. La première est d’usage interne. Dans les rangs de l’opposition se trouvent des partis qui n’ont lui jamais reconnu de légitimité depuis 2009 et pire encore, depuis sa réélection controversée de 2016. Ils ont soutenu les candidatures d’André Mba Obame, de Jean Ping ou des deux. Ali Bongo n’est pour eux qu’un usurpateur qui a été battu deux fois dans les urnes et pris le pouvoir à deux reprises par les armes. Il lui fallait donc à ce dernier un visuel de tout ce monde répondant à son appel en tant que président de la République, et à la présidence. La séance photos de la cérémonie d’ouverture n’était pas anodine. Quand on voit les hourrahs de victoire de son service de communication avec celle de Davin Akoure, on se demande ce qu’aurait été une photo avec Paulette Missambo ou Barro Chambrier. On aurait carrément vécu une autre victoire à une autre présidentielle anti datée. La preuve que l’opposition la plus rude le reconnaît finalement comme président et non plus comme un voleur de scrutin.

 

L’autre exploitation est destinée à l’extérieur. Le pouvoir gabonais est classé parmi les dictatures africaines malgré ses efforts démesurés d’être le champion de la biodiversité pour laver cette horrible souillure. D’où le peu de cas que son gouvernement accorde au bien-être des populations dont il se passe même des avis sur les sujets qui perturbent leur être pour s’investir pleinement dans des artifices bien vus comme la dépénalisation de l’homosexualité.

 

Or, le Gabon accueille dans une semaine le One Forest Sommit avec Emmanuel Macron comme invité de prestige. Il lui fallait tempérer ce visage hideux avant la venue du chef de l’Etat français et tordre les certitudes en se montrant plutôt comme celui qui accorde du temps et de l’écoute à son opposition. La communauté internationale pourrait alors reconsidérer le regard qu’il porte sur lui. Il n’est pas involontaire qu’il ait attendu plus de sept mois pour répondre favorablement à la demande de concertation de l’opposition et la programmer en pleine année électorale alors qu’il sait bien qu’il est impossible de changer la loi après le 1er janvier 2023. Pas plus involontaire que programmer cette concertation à une semaine de l’arrivée du président français à Libreville. Qu’on ne s’étonne d’ailleurs pas que dans les prochains et nombreux jours à venir ce soit cette rengaine de démocrate qui nous remplisse les oreilles. Et déjà, on lui attribue à tort l’initiative de cette concertation politique que son chef de gouvernement a malheureusement transformée en épaisse concussion politique… une fois encore au détriment du peuple.

 

 

*Journaliste*

 

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1 Commentaires

François - Feb 25, 15:15

Tout est dit, mon cher frère. Ma conclusion est qu'il a frappé à côté, parce que la manœuvre était d'une grossièreté inqualifiable.


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