Les Bongo sont libres. Ou presque. Du moins assez pour fuir Libreville et atterrir à Luanda, la capitale angolaise, dans ce qui s’apparente à une opération diplomatique camouflée en évacuation sanitaire de la République. L’ancien président Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia et leur fils Noureddin ont ainsi quitté le territoire gabonais, non pas dans l’anonymat, mais dans l’impunité la plus fragrante. Une sortie discrètement négociée, bruyamment révélée… par une page Facebook étrangère.
Quand Facebook remplace la communication présidentielle
C’est donc l’Angola qui a tiré le rideau sur le dernier acte d’un vaudeville politique tropical. Dans un post laconique mais explosif, la présidence angolaise annonce l’arrivée de la famille Bongo, libérée grâce à l’intervention du président João Lourenço. Pendant ce temps, à Libreville, les haut-parleurs officiels grésillent de silence. Ni le gouvernement, ni même un obscur conseiller en communication n’ont osé murmurer un mot. Le Gabon est devenu un État où l’on découvre le sort des anciens dirigeants à l’étranger, comme un fait divers diplomatique.
De la prison à la suite présidentielle
Sylvia, Noureddin et le reste du clan étaient officiellement sous les verrous. Enfin, selon les rares échos autorisés. Jusqu’à ce qu’ils soient libérés en catimini, puis exfiltrés avec la bénédiction de leurs geôliers d’hier. À peine le temps de changer de bracelet électronique qu’ils s’envolent pour une résidence surveillée version cinq étoiles, avec vue sur l’Atlantique. L’ancien pouvoir est donc puni, oui, mais avec classe. Le peuple, lui, reste enfermé dans ses doutes et sa colère.
On nous avait promis la rigueur, la justice, la reddition des comptes. On nous sert une version tropicale du “deal de sortie”, avec tapis rouge et silence d’État. Il fallait oser. Le CTRI l’a fait.
Un accord entre gentlemen… de palais
Cette libération, obtenue lors de la récente visite de João Lourenço à Libreville, illustre parfaitement la realpolitik à l’africaine : on échange la clémence contre la stabilité, l’exil contre la paix sociale, le silence contre les remous. La justice ? Un détail administratif que l’on contourne quand les dossiers sont trop lourds. On ne juge pas une dynastie, on l’évacue. On ne condamne pas une famille qui a dirigé quatorze ans, on l’exporte avec les honneurs.
Le plus tragique dans cette affaire n’est pas tant la fuite du clan, mais la manière. Ce flou entretenu, cette opacité revendiquée, cette désinvolture institutionnelle. Le Gabon de la transition, pourtant né sous le drapeau de la transparence et de la refondation, glisse doucement dans les vieux réflexes de cour royale.
Un message limpide : l’aristocratie ne tombe jamais vraiment
En autorisant ce départ, le régime d’Oligui Nguema envoie un signal : au Gabon, on ne tombe pas de haut. On atterrit doucement, dans un pays frère, entre dirigeants qui se comprennent. Pas de prison ferme, pas de procès public, pas de comptes à rendre. Juste un exil poli, orchestré comme une sortie protocolaire.
Quant aux Gabonais ? Ils devront continuer à croire aux promesses, pendant que leurs anciens dirigeants refont leur vie entre deux villas sécurisées. Le “nouveau Gabon” se construit donc avec les mêmes méthodes que l’ancien : derrière des rideaux opaques, entre puissants qui se tiennent la main et se renvoient l’ascenseur. La rupture tant annoncée ressemble de plus en plus à une parenthèse.
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